Un nouvel acteur de l'industrie du remorquage, qui s'est établi avec l'aide d'un consultant que la police relie à la mafia montréalaise, est montré du doigt par l'Office de protection du consommateur (OPC). L'organisme gouvernemental lui enjoint de faire cesser immédiatement tout «harcèlement, menaces ou intimidation» de ses employés envers les automobilistes.

«Nous avons constaté que votre entreprise ne respecte pas les dispositions relatives à certaines pratiques interdites», stipule l'avis d'infraction envoyé à Remorquage A9, de Laval, le 10 février dernier, et que La Presse a obtenu.

L'OPC rappelle à l'entreprise qu'«une personne ne peut, dans le recouvrement d'une créance, faire du harcèlement, des menaces ou de l'intimidation». L'organisme demande des correctifs immédiats, sans quoi des poursuites pénales pourraient suivre.

En deux ans, l'OPC a reçu 34 plaintes concernant Remorquage A9, ce qui constitue 18 % de toutes les plaintes contre des remorqueurs au Québec pendant cette période. «Plusieurs de ces plaintes portent sur la menace et l'intimidation dont sont victimes les propriétaires de véhicules remorqués par les remorqueurs. Ceux-ci, par exemple, exigent un paiement en argent avant de révéler l'endroit où a été remorqué le véhicule. Dans d'autres cas, les frais facturés sont plus élevés que les frais de remorquage indiqués sur l'affiche interdisant le stationnement», explique le porte-parole Charles Tanguay.

Remorquage A9 a été créé en février 2014. L'entreprise opère surtout dans des stationnements privés à Montréal et dans sa couronne. «Remorquage A9 sont les spécialistes dans la grande région de Montréal», précise son site web.

Des plaintes qui se recoupent

Dès mai 2015, La Presse a commencé à compiler des plaintes d'automobilistes sur les pratiques de Remorquage A9. Une dame de Montréal a ainsi déposé une poursuite à la Cour des petites créances après avoir vu son Jeep Patriot remorqué même si elle affirme avoir eu en main le billet de stationnement prouvant qu'elle avait payé sa place.

«Un de vos employés m'a dit qu'avant de me dire à quelle adresse avait été déplacé mon Jeep, il fallait payer le montant total par carte de crédit», raconte-t-elle. Lorsqu'elle a retrouvé son véhicule à Verdun, après avoir payé, elle dit avoir découvert que son ordinateur, son iPad, ses bottes et ses lunettes Dolce Gabana avaient été volés.

Même son de cloche pour un employé de la firme Mindgeek, rue Jean-Talon, qui a poursuivi A9 parce qu'il dit s'être fait remorquer dans le stationnement de son employeur, même s'il avait une vignette d'employé. Il affirme que le remorqueur a refusé de lui dire où était le véhicule tant qu'il ne payait pas. L'automobiliste a déposé à la cour une lettre du gestionnaire de l'immeuble, Bill Mavroudis, qui dit avoir eu souvent des pépins avec l'entreprise.

«Notre contrat avec A9 dit "remorquage sur appel seulement". Par le passé, ils ont remorqué plusieurs véhicules de notre stationnement sans autorisation», raconte-t-il.

«Ils ont fait le ménage»

Impossible de parler hier à l'actionnaire principal de Remorquage A9, Dino Mangifesto. Nous avons aussi tenté sans succès d'obtenir une entrevue avec le consultant de l'entreprise, Gianpietro Tiberio, qui dispose toujours d'un poste téléphonique dans le répertoire de l'entreprise.

M. Tiberio, qui a été condamné à trois ans de prison pour un complot d'importation de drogue en 2009, est considéré par l'Escouade régionale mixte de Montréal comme un proche des plus hautes sphères de la mafia montréalaise. Selon une enquête conjointe de CBC et du Globe and Mail, il était impliqué dans les affaires du casino Dream en République dominicaine lorsque le parrain Vito Rizzuto a tenté d'en prendre le contrôle. Il a toujours nié être un homme de main du crime organisé.

C'est l'avocat de M. Tiberio, Me Franco Schiro, qui a rappelé La Presse hier pour défendre Remorquage A9 contre les plaintes de consommateurs.

«Ils ont fait le ménage. Ils sont de bonne foi. Si des employés ne fonctionnent pas bien, c'est correct que les gens le disent. Il y a des consignes et si des employés ne les respectent pas, ils sont congédiés», assure l'avocat.

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REMORQUAGE A9 EN CHIFFRES

- 22 des plaintes concernaient la facturation ou la méthode de recouvrement de créances de l'entreprise

- 11 des plaintes concernaient des allégations de «pratiques trompeuses ou déloyales» de la part de l'entreprise

- 1 plainte concernait un litige sur le prix d'un service offert par l'entreprise

- 6 automobilistes ont envoyé des mises en demeure à Remorquage A9 en utilisant un formulaire fourni par l'Office de protection du consommateur

- 4 poursuites ont été déposées devant la Cour des petites créances à Montréal et Laval contre l'entreprise

Photo La Presse

Gianpietro Tiberio