« Chaque cas est un cas de trop », a réagi, hier, la direction du Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval, qui chapeaute le centre jeunesse de Laval.

« Les cas récents sont tristes, très tristes. On prend cela très au sérieux », a insisté sa présidente-directrice générale adjointe, Danièle Dulude, en entrevue à La Presse.

L'institution publique a été mise sur la sellette ces derniers jours, en raison des cas récents d'adolescentes placées sous sa responsabilité qui ont fugué pour aller se prostituer. Un troisième cas inquiétant s'est d'ailleurs ajouté, hier.

Le centre reconnaît qu'il est un « bassin potentiel » pour les proxénètes à la recherche de nouvelles proies en raison de sa clientèle vulnérable.

Toutefois, « malgré les cas récents, je ne peux pas vous dire qu'il y a une recrudescence de jeunes filles confiées à nos services qui fuguent pour aller rejoindre des réseaux de prostitution », précise Mme Dulude du CISSS de Laval.

Le Centre jeunesse de Laval se dit « très préoccupé » par un nouveau mode de recrutement des proxénètes qui cible les jeunes filles par le truchement des réseaux sociaux. 

« Les jeunes filles sont repérées dans leur intimité à partir de Facebook, qu'elles soient au centre ou chez elles, et ce, bien avant qu'elles fuguent. »

Comme le révélait La Presse, hier, la grande majorité des fugues rapportées au Service de police de Laval (SPL) ces dernières années sont commises par des jeunes confiés au centre jeunesse (734 sur 918 fugues en 2015).

Un peu moins de la moitié des fugueurs étaient des jeunes filles. Comme certaines fuguent plus d'une fois, on parle de 127 fugueuses sur le territoire lavallois en 2015. De ce nombre, une trentaine ont été exploitées sexuellement durant leur disparition (26 %), selon le SPL.

« Je ne voudrais pas qu'on perçoive le centre comme une passoire, mais ce n'est pas une prison, non plus. On n'aide pas nos jeunes en les gardant enfermés, indique Mme Dulude du CISSS de Laval. En même temps, c'est certain que si on sent qu'un jeune est particulièrement vulnérable, on ne le laissera pas sortir. »

Le Centre jeunesse explique ce nombre élevé de fugues par un changement à la loi qui les oblige depuis 2011 à signaler à la police tout retard - que ce soit 10 minutes ou 24 heures - d'un jeune qui revient au centre jeunesse après une sortie. Dans 71 % des cas, le jeune revient à l'intérieur de 24 heures, souligne Mme Dulude.

De ce nombre élevé répertorié l'an dernier, 177 jeunes ont connu des expériences de fugues plus problématiques, explique Mme Dulude du CISSS de Laval. Et une dizaine d'entre eux sont véritablement considérés comme des « fugueurs chroniques » aux problématiques plus lourdes.

En plus d'accueillir des jeunes Lavallois vulnérables, le centre jeunesse de Laval - en raison de son expertise - reçoit des jeunes aux prises avec de lourdes problématiques provenant de tout le Québec, précise aussi Mme Dulude.

Celle-ci insiste aussi sur le fait que ses intervenants - en qui elle réitère sa confiance - sont outillés pour aider et encadrer sa clientèle de jeunes vulnérables.

Une troisième disparition

Nouvelle disparition. Nouveau cri du coeur sur Facebook. Même centre jeunesse.

« Ma fille Mathilde Geoffroy Aubé est disparue depuis lundi, recrutée par les gangs de rue, si vous la voyez faite le 911. Mathilde revient ! ! ! », a écrit Marjolaine Aubé, la maman de l'adolescente disparue, hier, sur le populaire réseau social.

L'adolescente de 16 ans est la troisième jeune fille confiée au centre jeunesse de Laval à disparaître depuis la fin de semaine dernière. Tout comme les deux autres (dont l'une a été retrouvée depuis), sa mère craint qu'elle soit sous l'emprise d'un proxénète qui l'incite à se prostituer.

Mathilde Geoffroy Aubé devait retourner chez elle lundi soir, mais elle n'est jamais rentrée. L'adolescente en est à sa sixième fugue, selon le porte-parole du SPL, Franco Di Genova.

À sa dernière fugue, la police l'avait retrouvée dans un appartement de Longueuil où elle était sous l'emprise d'un homme suspect, possiblement un proxénète, toujours selon le porte-parole du corps policier lavallois. Elle s'apprêtait alors à quitter la région pour Calgary, a dit sa mère à TVA Nouvelles, hier.

Mme Aubé a confié se sentir impuissante face à l'attrait qu'exerce le milieu des gangs de rue et de la prostitution sur sa fille, surtout qu'elle a grandi « dans le féminisme et le syndicalisme ». Après sa dernière fugue, la mère de famille était convaincue que sa fille « allait mieux ».

Mme Aubé n'en veut pas au centre jeunesse de Laval à qui elle avait confié sa fille. Elle a décrit les intervenants comme des gens « fantastiques ». La mère de famille estime que ces mêmes intervenants sont impuissants face aux jeunes qui fuguent en raison du changement à la loi - survenu en 2007-2008 - visant à limiter le plus possible les privations de liberté pour des jeunes confiés à la DPJ.

« Avant, les portes étaient davantage verrouillées, confirme Mme Dulude du CISSS de Laval. Aujourd'hui, ce sont seulement quelques unités d'encadrement intensif qui sont verrouillées. Les études démontrent que ce n'est pas en enfermant un jeune qu'on l'aide. »

Toute personne ayant des informations peut communiquer avec la police de Laval en appelant au 450 662-4636 ou composer le 911

À Longueuil aussi

À Longueuil aussi, beaucoup de jeunes fugueurs proviennent des centres jeunesse. Depuis le 1er janvier dernier, 13 fugues ont été signalées à la police de Longueuil, dont la moitié ont été commises par des jeunes confiés au centre jeunesse, selon les statistiques les plus récentes du corps policier. Tous ces fugueurs ont été retrouvés, indique sa porte-parole, Mélanie Mercille.