Un lieutenant de la mafia montréalaise, que la police a à l'oeil et qui pourrait, croit-elle, profiter de l'instabilité qui perdure au sein du crime organisé italien pour occuper un jour une place importante, sera libéré dans les prochains jours, non sans que de sévères conditions lui soient imposées.

Lorenzo Giordano, dont nos sources disent qu'il est l'un des derniers « hommes d'honneur » de la mafia montréalaise, désigné ainsi à la suite d'un rituel, purge depuis 2009 une peine de 15 ans de pénitencier pour complot et gangstérisme, à la suite de son arrestation dans l'enquête Colisée.

Giordano, son bras droit de l'époque, Francesco Del Balso, et leur patron, Francesco Arcadi, étaient, parmi les six principaux acteurs accusés à la suite de la rafle antimafia, ceux qui ont reçu les peines les plus sévères. Une rumeur veut qu'ils aient pris le plus gros du blâme pour que leurs supérieurs hiérarchiques, Nicolo Rizzuto, Paolo Renda et Rocco Sollecito, écopent de peines moindres.

Giordano est libéré d'office après avoir purgé au moins la moitié de sa peine. Les commissaires aux libérations conditionnelles considèrent que le mafieux de 52 ans, dont la peine prendra fin en 2019, pourrait récidiver avant la fin de la peine et lui imposent donc de sévères conditions, comme ils le font généralement dans de tels cas.

Ainsi, Giordano devra éviter les cafés européens et toute personne ayant un casier judiciaire ou étant liée à une organisation criminelle, devra divulguer ses états financiers et, surtout, sera assigné à une maison de transition.

« Votre équipe de gestion de cas croit qu'aucun programme plus qu'une assignation à résidence limitera les risques que vous représentez. Des craintes demeurent ; des informations obtenues par la police concernant votre retour dans la communauté dans un contexte d'instabilité actuel au sein de la mafia et le fait que dans ce contexte, il y a la possibilité que vous puissiez assurer votre rôle d'autorité », peut-on lire dans la décision des commissaires, que La Presse a obtenue.

Un meneur influent

Des sources ont confié à La Presse au cours des dernières années que Giordano est très respecté dans le milieu criminel et aurait bâti des liens solides durant ses années de détention, où il a maintenu un comportement conformiste et respectueux, s'occupant notamment d'une ligue de soccer pour détenus et travaillant à l'entretien ménager et à la cafétéria, au pénitencier. La décision des commissaires aux libérations conditionnelles va dans le même sens.

« Vous êtes considéré comme un meneur positif en établissement. Vous êtes parfois appelé pour ramener l'ordre dans votre unité ou en cas d'incidents. »

« Votre dossier indique que vous avez maintenu des liens et que vous avez continué à interagir en institution avec des individus connus comme étant affiliés aux gangs de rue, aux Hells Angels et au crime organisé traditionnel italien. La sécurité préventive indique que vous avez pris part à plusieurs repas organisés par des codétenus, incluant des membres d'organisations criminelles. Vous avez expliqué que vous deviez être présent pour maintenir l'ordre parmi les détenus », peut-on lire dans le document.

On y apprend également que Giordano minimise son implication dans les gestes pour lesquels il a été condamné, qu'il ne s'identifie pas comme un membre de la mafia et qu'il admet seulement une relation d'affaires avec elle.

Le document révèle également qu'en 2011, Giordano aurait eu un contrat sur sa tête qui a forcé son transfert dans un secteur sécurisé, mais qu'aujourd'hui, rien n'indique que le complot est toujours valide.

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