Pour la première fois de son histoire, la Gendarmerie royale du Canada a déposé des accusations formelles contre un bourreau qui a torturé un citoyen canadien à l'étranger.

L'accusé est le colonel syrien George Salloum. Sa victime : Maher Arar.

« J'accueille l'annonce de la GRC qui a déposé des accusations contre le colonel Salloum qui a été directement responsable de la torture que j'ai subie alors que j'étais détenu en Syrie », a écrit hier Maher Arar dans un communiqué, lu par sa femme, la militante politique Monia Mazigh.

« J'espère qu'on retrouvera George Salloum vivant, qu'il sera arrêté et extradé au Canada pour faire face à la justice », a ajouté l'ingénieur canadien qui a été torturé dans une prison de la police secrète syrienne où il a été détenu de septembre 2002 à septembre 2003.

Un an après les attentats du 11 septembre 2001, il y avait été transféré par les autorités américaines pour y être interrogé, et ce, même si des agents de la CIA le savaient innocent, a-t-on appris récemment. L'avocat de M. Arar, Paul Champ, notait hier que le colonel Salloum était l'interrogateur en chef et a participé lui-même à la torture de son client et d'autres victimes canadiennes.

M. Champ se réjouit de l'annonce de la GRC. « C'est la première fois dans l'histoire canadienne qu'un individu responsable de la torture d'un citoyen canadien est accusé formellement. C'est une excellente nouvelle. Ces accusations vont protéger d'autres citoyens canadiens à l'étranger. Ceux qui torturent vont y songer à deux fois avant de s'en prendre à un citoyen canadien », a dit à La Presse l'avocat.

L'organisation Amnistie internationale (AI) partage l'enthousiasme de l'avocat. « La torture se nourrit de l'impunité », a dit hier Béatrice Vaugrante, directrice générale de la section francophone d'AI Canada.

Longue enquête

La Gendarmerie royale du Canada a enquêté pendant près de neuf ans avant de déposer des accusations contre l'officier de renseignement syrien. Un mandat d'arrêt canadien ainsi qu'un mandat Interpol sont dorénavant en vigueur.

S'il salue l'aspect « symbolique » des accusations, Paul Champ doute que George Salloum soit arrêté de sitôt. « Il est protégé par le régime de Bachar al-Assad, mais si le régime tombe ou que M. Salloum fait défection, il est alors possible qu'il soit arrêté », croit l'avocat.

Il ajoute que le cas de Maher Arar est loin d'être réglé. Si le Canadien a reçu des excuses du gouvernement canadien et une compensation de 10,5 millions pour le rôle que le Canada a joué dans son cauchemar, il n'a toujours pas obtenu justice aux États-Unis.