Un ancien homme d'affaires accusé d'importation de cocaïne qui avait fui le pénitencier de Port-au-Prince lors du tremblement de terre de janvier 2010 et qui était revenu au Québec par un vol humanitaire dit avoir été littéralement poussé en dehors de la prison par les éléments et ne plus être recherché par les autorités haïtiennes.

Dejean Victor, 58 ans, ancien propriétaire du Buffet Cristina et du Pavillon Marquette, une résidence pour personnes âgées à Montréal, a fait ces déclarations lors de son enquête sur remise en liberté la semaine dernière.

M. Victor a été arrêté en avril dernier. Lui et son ex-conjointe, Merlande Dont, sont accusés d'avoir envoyé trois de leurs employées en Haïti pour qu'elles rapportent de la cocaïne au Québec entre 2009 et 2011. L'une de ces « mules », Francine Desormeaux, condamnée à une peine de 15 ans en Haïti, a fait l'objet de quelques articles dans La Presse depuis 2012 et a été rapatriée au Québec depuis.

La fuite ou la mort

Le 30 décembre 2009, Dejean Victor et son frère Abel ont été arrêtés en possession de deux kilos de cocaïne à l'aéroport de Port-au-Prince, en Haïti. Ils ont ensuite été envoyés au pénitencier en attendant la suite des procédures. Mais le pénitencier s'est effondré 13 jours plus tard durant le séisme et Dejean Victor est revenu à Montréal par un vol humanitaire une semaine plus tard.

« Par définition, je ne me suis jamais évadé de la prison en Haïti », a témoigné l'accusé, qui a raconté que lors du tremblement de terre, un trou s'est formé dans la salle du pénitencier où il se trouvait et que des gens y sont tombés, alors que lui a pu perforer un mur et sortir, évitant ainsi d'être tué

Selon Dejean Victor, des individus ont menacé d'exécuter les prisonniers qui ne sortaient pas.

Il a ajouté qu'il n'était pas détenu dans une cellule au pénitencier de Port-au-Prince, mais au greffe, car les responsables présumaient qu'il n'avait rien à se reprocher.

À ce sujet, il a même déclaré qu'il revenait tout juste du tribunal, où il venait d'être blanchi, lorsque le tremblement de terre est survenu.

Les conseils de son avocat

Il a raconté qu'après avoir quitté le pénitencier en ruine et erré dans les rues où il entendait les gémissements des survivants sous les décombres, il a appelé sa femme, qui lui a dit de rentrer à Montréal. Hésitant, il a joint l'avocat qui s'occupait de sa cause en Haïti. « Il m'a dit : "C'est dans votre intérêt de partir, car il n'y a rien qui fonctionne ici. Le pays est dévasté, c'est l'abîme total. Tu as un jugement en ta faveur, tu es mieux de rentrer. S'il y a quelque chose, je vais te faire signe" », a-t-il résumé.

Dejean Victor a raconté qu'il s'est rendu à pied à l'ambassade du Canada et a demandé d'urgence un nouveau passeport canadien, car le sien était perdu. Il l'a obtenu 48 heures plus tard et a pris un vol militaire humanitaire vers le Canada.

Il a ajouté qu'après son retour, il a parlé à un commissaire du gouvernement haïtien de passage à Montréal, déplorant l'étiquette d'évadé de prison qu'on lui collait dans les médias. Par personne interposée, le commissaire lui a ensuite fait parvenir copie d'un document le disculpant.

L'avocat de Dejean Victor, Me Peter Georges-Louis, a présenté le document en cour, mais la procureure de la poursuite, Me Marie-Ève Moore, a annoncé son intention de vérifier son authenticité.

Me Moore a elle aussi déposé des documents, dont un de la police nationale haïtienne indiquant que M. Victor s'était évadé et qu'il était toujours recherché, et un autre indiquant que M. Victor a déclaré « que la maison s'était effondrée » sur son formulaire visant à obtenir un nouveau passeport canadien.

Son enquête sur remise en liberté se poursuit la semaine prochaine.