Un rapport rédigé pour le compte du ministère fédéral de la Sécurité publique et obtenu par La Presse conclut qu'il faut offrir des réponses religieuses aux individus radicalisés, même si cette solution peut sembler inconfortable pour les démocraties occidentales.

L'équipe de chercheurs à la source de l'étude s'est penchée sur les activités virtuelles de djihadistes nord-américains afin d'en disséquer le contenu. Et selon l'auteur principal, les conclusions qu'ils en ont tirées pourraient s'appliquer aux 10 jeunes Montréalais arrêtés la fin de semaine dernière à Montréal.

Le document de 74 pages analyse les communications sur les réseaux sociaux de sept djihadistes américains arrêtés ou tués dans les dernières années. Les chercheurs soulignent que la plupart de ces individus vivent une première phase de radicalisation pendant laquelle ils « recherchent avidement des connaissances et de l'information » sur l'islam. Ensuite vient une phase où « les affirmations, souvent débordantes de confiance, prennent le pas sur les questions ».

Les djihadistes étudiés s'intéressent notamment au niveau de crédibilité à accorder à différents érudits de l'islam, ainsi qu'à l'« hijra », un terme utilisé pour désigner l'émigration en terre musulmane.

« Tout effort de déradicalisation devrait, sans négliger d'autres aspects, prendre en considération le fait que les enjeux religieux sont au centre de la réflexion de ceux qui embrassent le djihadisme », indique le document. Au téléphone, son auteur principal a insisté sur cet élément.

« C'est très difficile pour des sociétés séculaires comme le Canada ou les États-Unis, mais ce sont des individus qui ont faim de connaissances religieuses. », explique Lorenzo Vidino, directeur d'un programme sur l'extrémisme à la George Washington University.

Théories du complot

L'étude souligne aussi l'importance que prennent les théories du complot dans les discussions virtuelles qu'ont les individus radicalisés. « Ceux qui promeuvent des idéologies extrémistes et y adhèrent réfutent souvent les explications officielles ou communément acceptées relatives aux événements historiques importants », indique le rapport. Selon ses auteurs, les djihadistes allaient jusqu'à douter de l'existence de certains chefs terroristes recherchés par les gouvernements occidentaux.

Lorenzo Vidino a relaté s'être déplacé à trois reprises à Ottawa au cours des derniers mois, notamment pour présenter son travail à des hauts fonctionnaires du ministère fédéral de la Sécurité publique. Ceux-ci se seraient montrés très intéressés par les conclusions de l'étude. « Ç'a été une longue réunion avec beaucoup de questions, a-t-il affirmé. C'étaient clairement des gens très occupés, mais la période de questions a duré plus d'une heure. » L'étude, réalisée sous la coordination d'une firme de renseignement américaine, a été financée à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de dollars par le ministère de la Sécurité publique.

- Avec William Leclerc

« Aucune raison pour un Canadien de devenir djihadiste », dit Harper

Trois jours après l'arrestation à l'aéroport Montréal-Trudeau d'une dizaine de jeunes soupçonnés de vouloir rejoindre des groupes djihadistes à l'étranger, Stephen Harper s'est rendu sur les lieux, hier midi, afin de souligner les investissements supplémentaires de son gouvernement dans la lutte contre le terrorisme. Flanqué de son ministre de la Sécurité publique, le premier ministre a qualifié le terrorisme islamiste de « réalité du présent au Canada ». Il a ajouté qu'il n'y avait aucune façon de comprendre les jeunes qui s'enrôlent dans le groupe État islamique, comme ceux qui ont fait l'objet d'un coup de filet la fin de semaine dernière. « On a une grande sympathie pour les familles de ces jeunes, a-t-il lancé, comme dans un élan. Mais nous avons un pays qui est démocratique, libre, ouvert et tolérant. Il n'y a aucune excuse, aucune raison pour un Canadien de devenir djihadiste. »

Le PQ attaque Charkaoui de front

L'opposition péquiste a reproché hier au gouvernement son inaction envers l'imam controversé Adil Charkaoui, qui a eu des liens avec certains des jeunes djihadistes qui seraient partis combattre au Moyen-Orient. À l'Assemblée nationale, Agnès Maltais a qualifié M. Charkaoui de « point commun » entre les vagues de départs ou de tentatives de départ des derniers mois. « Le gouvernement, présentement, tout ce qu'il fait, c'est attendre les jeunes à l'aéroport une fois qu'ils sont endoctrinés », a-t-elle déploré. La ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a répliqué qu'elle refusait de se transformer en « justicière » et a souligné l'importance d'internet dans la radicalisation des jeunes. Adil Charkaoui, pour sa part, a qualifié le Parti québécois d'« agent de radicalisation ».