L'Unité permanente anticorruption (UPAC) vient de mettre la main au collet du patron de l'informatique au ministère de la Sécurité publique (MSP). Avec son présumé complice, il est soupçonné d'avoir accepté d'avoir mis sur pied un «stratagème frauduleux» incluant le versement de pots-de-vin pour l'octroi de contrats publics.

Abdelaziz Younsi est accusé d'abus de confiance et de fraude. Il est le directeur général des technologies de l'information au MSP.

Selon l'UPAC, il aurait touché des pots-de-vin des mains de Mohammed El Khayat. Celui-ci est un haut dirigeant de la firme Informatique EBR. Sur sa page Facebook, administrée par la firme de Québec, il y est décrit comme le président et cofondateur d'EBR, un fournisseur de solutions en technologies de l'information.

Les arrestations font suite à des perquisitions menées le 4 juin dans les locaux du MSP et d'Informatique EBR, à Québec. Les deux hommes ont été remis en liberté et comparaîtront en septembre.

L'ironie de l'affaire, c'est que EBR tentait justement, ces derniers temps, de vendre au ministère de la Sécurité publique un logiciel de détection des malversations dans les contrats publics, destiné à l'UPAC. Les dirigeants d'EBR s'étaient enregistrés au registre des lobbyistes afin de pouvoir faire leurs représentations au ministère. Une rencontre a même eu lieu entre les représentants d'EBR, du ministère et de l'UPAC. Mais le logiciel n'a pas été acheté.

Dans la présente affaire, il est reproché à M. Younsi d'avoir facilité «l'octroi d'un contrat informatique dont la valeur dépasse les 3,3 millions de dollars» par son ministère, écrit l'UPAC dans un communiqué. «En échange de l'obtention de ce contrat, le fonctionnaire [...] aurait reçu des avantages pécuniaires. Selon la preuve recueillie, la valeur de la fraude est estimée à environ 400 000 $.»

C'est M. ElKhayat qui aurait permis le versement lesdits avantages pécuniaires.

À l'Assemblée nationale, Lise Thériault a souligné que cette opération - baptisée Majorat - avait été rendue possible par une dénonciation provenant de l'intérieur de son ministère.

«Il faut se rappeler que [cette arrestation là s'est faite] suite à une dénonciation. Très souvent les gens voient, ils savent, ils ont de l'information, mais ils n'osent pas dénoncer. Moi je vais inviter tous les gens à dénoncer», a dit la ministre.

«C'est sûr que ça peut laisser une drôle d'impression parce que c'est au ministère de la Sécurité publique, mais ça vient renforcer le message qu'il n'y a personne au-dessus des lois», a ajouté Mme Thériault.

Le premier ministre Philippe Couillard n'a pas retiré la confiance qu'il place entre les mains du MSP. «La police fait son travail», s'est-il limité à dire.

Sur son site Web, EBR écrit compter parmi ses clients le ministère de la Sécurité publique, mais aussi le Secrétariat du Conseil du trésor, Revenu Québec, le ministère de la Justice et le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, entre autres organismes publics dont des municipalités.

Les deux accusés siègent côte à côte au conseil des gouverneurs du Congrès maghrébin au Québec. Dans plusieurs publications de la communauté maghrébine, mais aussi généralistes, les deux hommes ont à maintes reprises été cités en exemple comme bâtisseurs venus de l'étranger, comme modèles d'intégration à la société québécoise.