L'ancien enquêteur-vedette du Service de police de la Ville de Montréal Benoît Roberge a écopé huit ans de prison pour avoir vendu des informations aux Hells Angels.

Le juge Robert Marchi lui a imposé cette peine vendredi au palais de justice de Montréal, suivant ainsi la recommandation commune de la poursuite et de la défense.

«L'accusé, par ses agissements, a détruit sa vie, mais encore pire, encore plus triste, celle de sa famille. Il a trahi sa famille, il a trahi des amitiés. Il a trahi la confiance de ses collègues. Il a trahi le système judiciaire. Il vivra le reste de ses jours avec la honte qui devrait accompagner un tel gâchis. Un gâchis inqualifiable dont il est le seul responsable», a dit le juge Marchi.

Assis dans le box des accusés, la taupe a fixé le sol durant pratiquement toute la durée de l'audience.

Benoît Roberge a plaidé coupable à deux chefs d'accusation d'abus de confiance et de gangstérisme le mois dernier. Les crimes se sont déroulés sur une période de 5 mois, soit entre le 1er octobre 2012 et le 1er mars 2013.

Le policier était passible d'une peine maximale de 10 ans de prison pour ses crimes. Cette peine est «très exemplaire», a indiqué l'avocat de Roberge, Me Richard Perras, à sa sortie de la salle d'audience.

Le juge a accepté de déduire la période de détention préventive, calculée à raison d'une journée et demie pour chaque journée de détention puisque Roberge a connu des conditions de détention difficiles en raison de son statut de policier. Il lui reste donc sept ans et trois mois à purger. Il devra purger la moitié de sa peine avant d'être admissible à une libération conditionnelle.

En vendant de l'information au Hells Angel René Charlebois, le policier a mis en péril la vie d'informateurs de police en plus de compromettre des enquêtes d'envergure. 

«Le trafic de stupéfiants est payant. Le châtiment infligé aux indicateurs de police clandestins qui tentent de réunir des preuves est souvent d'une cruauté répugnante. Et cela, l'accusé le sait plus que tout autre», a précisé le magistrat lors de la lecture de son jugement.

Des suspects dans des enquêtes ont réussi à prendre la fuite avant les frappes policières grâce aux informations qu'il a refilées au motard.

La taupe aurait ainsi donné «200 noms» aux Hells Angels, selon le témoin principal de la Couronne qu'une ordonnance du tribunal nous empêche de nommer. Ce témoin a remis à la police 10 conversations téléphoniques enregistrées entre Charlebois et Roberge, à l'insu de ce dernier.

Des conversions qui font «frémir»

«Le contenu de ces conversations, tel que relaté par le procureur de la poursuite, fait littéralement frémir et est absolument inqualifiable. En effet, on peut difficilement imaginer pire comportement de la part d'un agent de la paix, en qui l'État a placé toute sa confiance. Particulièrement pour un policier comme l'accusé qui a fait carrière dans le domaine de la lutte au crime organisé, notamment aux motards criminalisés, et qui savait trop bien ce que pouvaient faire Charlebois et l'organisation qu'il représentait des renseignements qu'il lui vendait», a souligné le magistrat.

Au moment où il a reconnu sa culpabilité, le mois dernier, Roberge a dit qu'il avait agi sous «l'influence de menaces et de chantage», le Hells Charlebois l'ayant présumément menacé de s'en prendre à sa famille immédiate. 

Le juge n'a pas semblé accorder beaucoup de crédibilité à ces explications. «Il est pour le moins étonnant d'entendre un policier comme l'accusé, habitué à côtoyer et à faire face aux membres du crime organisé, notamment les bandes de motards criminalisés, dire qu'il a ainsi accepté, lors d'une simple conversation téléphonique, de transmettre des informations aussi sensibles à Charlebois, d'autant que l'accusé a continué à lui vendre des informations», a dit le juge Marchi.

Le policier aurait récolté environ 125 000$ pour livrer des informations au crime organisé, selon la preuve.