Antal Babos et Sergio Piccirilli devront subir un nouveau procès.

Les deux hommes avaient été arrêtés en 2006 alors que la Gendarmerie royale du Canada et la Sûreté du Québec unissaient leurs efforts pour démanteler un réseau de trafic de drogue et d'armes. Le réseau était actif, entre autres, sur le territoire de Kanesatake.

Un premier procès pour MM. Babos et Piccirilli a été avorté en novembre 2008. Le juge avait alors déterminé que la Couronne et les policiers utilisaient des techniques abusives.

Les deux accusés s'étaient plaints de trois actes répréhensibles du ministère public. Le procureur de la Couronne aurait essayé plusieurs fois de les intimider, les menaçant d'autres accusations s'ils ne plaidaient pas coupables. Deux policiers se seraient concertés pour induire le tribunal en erreur à propos de la saisie d'une arme à feu. Et la Couronne aurait obtenu le dossier médical d'un des accusés de manière irrégulière.

En mars 2012, la Cour d'appel du Québec ordonnait la tenue d'un nouveau procès. Les deux hommes ont porté cette décision en appel.

Dans un jugement rendu vendredi matin, à six contre un, la Cour suprême du Canada confirme la décision de la Cour d'appel du Québec.

C'est le juge Michael Moldaver qui rédige les motifs de la majorité.

Il rappelle, d'abord, que les appelants ont admis qu'ils pourraient avoir un procès équitable. S'ils réclamaient l'arrêt des procédures, c'est plutôt pour préserver et protéger l'intégrité du système de justice.

Dans ce genre de cas, «(...) il s'agit de savoir si l'État a adopté une conduite choquant le sens du franc-jeu et de la décence de la société et si la tenue d'un procès malgré cette conduite serait préjudiciable à l'intégrité du système de justice», explique le juge Moldaver.

Il revient donc sur les trois reproches faits par les accusés. Et dans les trois cas, il écrit que le juge de première instance a fait fausse route.

«La conduite du ministère public consistant à obtenir le dossier médical de M. Piccirilli n'a aucunement porté préjudice à l'intégrité du système de justice», tranche le juge Moldaver, après avoir rappelé que la défense, à ce moment-là, avait demandé la liberté sous caution de l'accusé parce qu'elle prétendait qu'il ne pouvait être soigné adéquatement en prison après une crise cardiaque.

Les policiers ont offert des versions différentes quant à savoir qui a ouvert le coffre de l'auto où l'arme à feu a été trouvée. La Cour suprême estime que le problème aurait été facilement réglé en excluant l'arme de la preuve présentée contre les deux hommes.

Restaient les menaces proférées par Me Valérie Tremblay. Selon l'ancien avocat de M. Piccirilli, Me Tremblay lui aurait dit, en présence de son client, en 2006, «si ton client (ne) règle pas, le train va le frapper». Elle aurait répété des menaces semblables à deux autres reprises.

Tout comme la Cour d'appel, la Cour suprême souligne que Me Tremblay a été retirée du procès pour des raisons de santé en février 2008. Le procès s'est ouvert en avril 2008. Le juge Moldaver souligne que les accusés n'ont parlé de ces menaces qu'au moment du procès, soit au moins 18 mois après qu'elles auraient été proférées.

«Le comportement menaçant du ministère public, quoique répréhensible, ne se rapprochait pas du type de conduite choquante nécessaire pour justifier l'arrêt des procédures», conclut le juge.

Au moment de l'arrêt des procédures, MM. Babos et Piccirilli faisaient face à 22 accusations reliées au crime organisé, aux armes à feu et à l'importation, la production et le trafic de méthamphétamine.