La commission Charbonneau a beau humilier bon nombre d'entrepreneurs chaque jour depuis plusieurs mois, certains semblent encore se croire intouchables. La tentative de corruption déjouée ce matin à Châteauguay ne remonte qu'à septembre dernier, et c'est la mairesse de la Ville elle-même qui s'est faite la dénonciatrice.

C'est ce qu'a révélé le commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, ce matin en conférence de presse.

«Ce dossier revêt un caractère particulier et exceptionnel. Nous avons bénéficié d'une collaboration rarissime, mais exemplaire d'une élue municipale. Elle n'a rien a se reprocher. Elle a honorablement dénoncé une situation intolérable et nous l'en félicitions», a raconté M. Lafrenière en parlant de la mairesse Nathalie Simon. 

En septembre, elle a elle-même contacté les enquêteurs de l'UPAC, qui ont mis en branle le projet MUET.

«L'enquête a démontré que quatre suspects ont tenté de corrompre l'administration municipale et la mairesse par un système d'échange de bénéfices comme de l'argent. Les avantages désirés par les accusés étaient l'obtention d'emplois municipaux et le dézonage de terrains pour des projets immobiliers», a précisé le capitaine André Boulanger, responsable des enquêtes sur la corruption à la Sûreté du Québec.

Il a précisé que les emplois sollicités en étaient de hauts placés, et les sommes offertes, importantes. D'ailleurs, lors des perquisitions de ce matin dans quatre résidences de Châteauguay, 31 000 $ ont été saisis. Une camionnette considérée comme un produit de la criminalité a aussi été saisie chez un des suspects, René Lafrance.

Celui-ci est un ancien conseiller municipal et deux fois candidat défait à la mairie de Châteauguay. Mais ce n'est pas à titre de politicien qu'il a été arrêté. À la suite de son long passage en politique municipale et scolaire, René Lafrance est devenu courtier immobilier pour une agence  basée dans le quartier LaSalle à Montréal, où il travaille avec sa fille. Une pancarte où ils posent fièrement ensemble trône d'ailleurs à quelques mètres de sa maison de la rue de Liège, plantée devant celle de son voisin qu'il a été chargé de vendre. 

Les autres suspects arrêtés sont Éric Lafrance, Jacques Roy et Michel Bergevin.

Ils sont tous entrepreneurs ou courtiers immobiliers.

Ils seront relâchés aujourd'hui et comparaîtront en février.

Robert Lafrenière s'est dit étonné par ce dossier qui survient en pleine commission Charbonneau et alors que le gouvernement resserre ses lois pour prévenir la corruption.

«Ça démontre que la corruption existe toujours, et que la collaboration des élus est cruciale. Il y a des gens qui pensent que la culture n'a pas encore changé. C'est une culture bien incrustée dans beaucoup de milieux. Mais on observe des améliorations. Mais il reste des gens qui n'ont pas compris. La preuve, c'est que ce dossier ne portait pas sur des gestes commis en 2007 ou 2008, mais en 2013», a martelé M. Lafrenière.