Le maire de Toronto, Rob Ford, a déclaré jeudi n'avoir «aucune raison de démissionner», malgré le fait que la police eut confirmé avoir mis la main sur une copie de la vidéo qui le montrerait en train de fumer du crack.

M. Ford a affirmé qu'il aimerait bien se défendre mais qu'il n'était pas en mesure de le faire, puisque la cause «est devant les tribunaux». Le maire a ajouté qu'il continuerait de faire ce pourquoi il avait été élu, soit de faire économiser les contribuables et de diriger une «très bonne administration».

Plus tôt dans la journée, le chef de la police de Toronto, Bill Blair, avait indiqué que les images de cette copie numérique «corroborent celles qui ont précédemment été décrites dans la presse». Il n'y a toutefois rien, dans cette vidéo, qui puisse constituer des «motifs raisonnables» pouvant mener au dépôt d'une accusation criminelle contre le maire, a précisé le chef de police.

Des journalistes du Toronto Star et du site internet Gawker ont soutenu, en mai dernier, avoir visionné une vidéo dans laquelle on verrait le maire Ford en train de fumer ce qui semble être du crack. Le maire a toujours nié consommer du crack, et a martelé que cette vidéo n'existait pas.

Des documents de la cour qui viennent d'être publiés indiquent que la police de Toronto a ouvert une enquête sur ces allégations dès le printemps dernier.

Le chef Blair a déclaré que des policiers ont examiné, plus tôt cette semaine, le contenu d'un disque dur dans le cadre de l'«opération Traveller» et qu'ils ont pu reconstituer la copie numérisée de la fameuse vidéo, qui avait été supprimée du disque.

Alexander Lisi, un ami du maire Ford, a été accusé plus tôt ce mois-ci de quatre chefs liés aux stupéfiants. À la suite de la découverte de cette vidéo, il fait aussi face à une accusation d'«extorsion pour avoir tenté de récupérer l'enregistrement», a précisé le chef Blair, qui a indiqué que cette vidéo serait produite en cour comme élément de preuve.

Selon le chef de police, la vidéo montre des événements qui se seraient déroulés dans une résidence de Windsor Drive, un endroit qualifié de «fumerie de crack» par un informateur de la police.

«En tant que citoyen de Toronto, je suis déçu. Il s'agit d'une affaire grave pour les citoyens et la réputation de cette ville, et cela m'inquiète», a mentionné le chef Blair.

Des proches du maire inquiets

Le document déposé jeudi, qui fait quelque 300 pages, énumère les éléments colligés par la police pour obtenir un mandat de perquisition à l'endroit d'Alexander Lisi, un ami et chauffeur occasionnel du maire.

On y apprend notamment que les amis et les anciens employés du maire Ford s'inquiétaient du fait que M. Lisi «alimente» sa présumée consommation de drogues.

Un ancien employé de Rob Ford, Chris Fickel, a déclaré à la police qu'il ne savait pas qui approvisionnait le maire en marijuana, mais qu'il avait «entendu dire que «Sandro» (Lisi) pourrait être la personne qui fournit le maire en marijuana - et peut-être en cocaïne».

M. Fickel ajoute toutefois n'avoir jamais vu Lisi en train de remettre de la drogue au maire. Le maire appelait M. Fickel et lui demandait d'informer 'Sandro» qu'il voulait le voir, a précisé l'ex-employé.

Payman Aboodowleh, un entraîneur bénévole de football de l'école secondaire où le maire a lui aussi été entraîneur, a raconté à la police que c'était par son entremise que Rob Ford avait rencontré Lisi. M. Aboodwoleh a soutenu avoir été ensuite «furieux contre Lisi parce qu'il alimentait la consommation de drogues du maire».

Une photo où l'on voit le maire avec trois hommes - dont l'un d'entre eux, Anthony Smith, a été abattu en pleine rue à Toronto en mars dernier - accompagnait l'article publié en mai par le Star sur cette affaire. Les deux autres individus apparaissant sur la photo, prise devant une maison, ont été arrêtés dans le cadre de l'opération Traveller.

Le 28 mars, jour où Anthony Smith a été tué, le maire Ford et Alessandro Lisi se sont parlé au téléphone à sept reprises, indique-t-on dans le document de la police; cinq de ces sept appels ont été logés par Rob Ford. L'informateur de la police a par ailleurs identifié la résidence apparaissant sur la photo comme étant la «fumerie de crack» de Windsor Drive.

Quelques heures après que le site Gawker eut publié son article, des relevés de compte de téléphone montrent que Lisi a appelé Mohamed Siad et l'un des résidants de la «fumerie de crack». La police croit que Siad, arrêté en juin dans le cadre de l'opération Traveller, aurait été l'un de ceux qui ont tenté de vendre la vidéo à la presse.

Selon le Star, Siad apparaît sur la vidéo visionnée par des journalistes du quotidien.

La police, qui surveillait Alessandro Lisi, l'a vu rencontrer le maire Ford sur un terrain de soccer le 26 juin, indique-t-on dans le document déposé à la cour. Ils ont parlé quelques instants, puis Lisi est retourné à son véhicule d'où il a sorti un sac blanc qui semblait rempli d'objets, y a ajouté des canettes de boissons Minute Maid et l'a déposé dans la voiture du maire Ford, lit-on dans le document.

Le 11 juillet, la bande vidéo d'une caméra de surveillance montre le maire Ford garer son véhicule à une station-service puis se diriger immédiatement vers les toilettes. Peu de temps après, Lisi arrive à la même station-service, transportant une enveloppe. Selon le document, il «semblait regarder autour de lui, peut-être pour s'assurer de ne pas être vu».

Ce genre de document de la police énumérant les éléments colligés dans une enquête afin d'obtenir un mandat de perquisition est habituellement rendu public une fois le mandat exécuté. Or, les renseignements dans l'affaire Lisi avaient été gardés secrets jusqu'ici. Mais un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a ordonné mercredi la publication du document, à la suite de la requête de plusieurs médias, qui avaient plaidé que le rapport est d'intérêt public.



Photo PC

Rob Ford s'en est pris à des journalistes, jeudi, devant son domicile.