Pendant que tous les projecteurs sont dirigés vers le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à cause de la «taupe» Benoit Roberge, c'est le véritable branle-bas de combat à la Sûreté du Québec (SQ). Cette affaire secoue aussi la SQ. Derrière les murs de la rue Parthenais, on craint également d'avoir été noyauté par le crime organisé, au point de chercher des micros cachés, a appris La Presse.

Alors on prend les grands moyens: «rencontres» d'enquêteurs ayant eu un lien professionnel ou d'ordre personnel avec Roberge, détecteur de mensonge, analyse des banques de données, etc.

Mais certains, à l'interne, vont jusqu'à employer le mot «panique». Des balayages électroniques sont effectués dans certains bureaux névralgiques, à la recherche de micros cachés, au quartier général de la SQ et dans les bureaux décentralisés de l'Escouade régionale mixte (ERM) à Montréal.

Les banques de données et les rapports sont épluchés afin de déterminer qui a eu accès à quoi, et quand.

Un haut dirigeant de la SQ a même passé volontairement - et avec succès - le test du polygraphe. Il s'agit de Denis Morin, actuel chef de la Direction du renseignement criminel, qui chapeaute les trois services des enquêtes, de l'analyse et de la gestion du renseignement criminel. M. Morin s'est porté volontaire pour dissiper tout doute, compte tenu du fait qu'il entretenait des liens amicaux avec Benoit Roberge.

Une rivalité bien sentie

La semaine dernière, le chef de la police de Montréal, Marc Parent, avait insisté sur le fait que la SQ et la Gendarmerie royale du Canada n'étaient pas non plus «à l'abri» du basculement d'un des leurs du «côté sombre». Ces trois corps policiers sont partenaires dans l'ERM.

Cette escouade possède une direction bicéphale assumée en alternance par un officier du SPVM et de la SQ.

Or, la rivalité historique entre ces deux corps policiers vient d'être ravivée avec l'affaire Roberge. Le chef du SPVM s'est senti insulté - le mot est faible, nous dit-on - par le fait que la SQ ne l'a pas prévenu plus tôt de l'affaire Roberge. Le chef Parent a été mis au courant seulement le jour même de l'arrestation de la taupe.

En réponse à ce qui a été ressenti comme de la déloyauté, le chef Parent a lancé, en conférence de presse quelques jours plus tard, qu'il ferait de l'affaire Roberge une «priorité nationale» à la prochaine rencontre de l'Association canadienne des chefs de police.

Or, le terme «national» est associé à la SQ, vue comme la police «nationale» du Québec. Marc Parent a ainsi voulu montrer qu'il prenait le leadership dans le dossier, nous indique une source.

Deux enquêtes en parallèle

Deux enquêtes sont menées en parallèle à la SQ: l'une d'ordre criminel, et l'autre de nature administrative. Elles sont évolutives et peuvent s'entrecroiser.

Comme c'est le cas pour les ex-collègues de Roberge au SPVM, les enquêteurs veulent déterminer quels policiers ont transmis des informations névralgiques à la «taupe» ou auraient pu avoir une attitude troublante.

Si c'est le cas, trois options sont scrutées. Est-ce que cela s'est fait en toute bonne foi, dans le cadre de leur travail? En tant que complice dans un dessein criminel? Ou y a-t-il eu aveuglement volontaire? On cherche aussi à connaître l'impact éventuel sur la sécurité des sources et des agents d'infiltration.

L'affaire Ian Davidson, ex-policier du SPVM affecté au renseignement qui avait cherché à vendre pour 1 million de dollars au milieu criminel une longue liste d'informateurs de police, est encore dans toutes les mémoires.

Pour le moment, aucun complice de Roberge n'aurait été débusqué dans les rangs de la SQ. Néanmoins, des sources évoquent avec insistance le fait que trois policiers feraient l'objet d'une attention particulière. Deux d'entre eux auraient déjà été dans la ligne de mire à l'interne pour leurs méthodes d'enquête bien avant l'arrestation de Roberge.

Arrêté le 5 octobre, Benoit Roberge est toujours incarcéré. Son dossier doit être de retour en cour aujourd'hui.

L'ancien enquêteur spécialiste des motards, qui travaillait depuis mars à Revenu Québec, est soupçonné d'avoir fourni des informations au Hells Angel René Balloune Charlebois. Ce dernier s'est suicidé deux semaines après s'être évadé de prison, où il purgeait une peine de prison à vie pour le meurtre d'un informateur de police.

La Sûreté du Québec n'a pas souhaité commenter l'affaire.