Ce sont 1000 chèques d'aide sociale d'une valeur d'environ 700 000$ qui ont été délivrés en double lors d'une erreur opérationnelle survenue la semaine dernière, a reconnu le gouvernement québécois lundi. Mais l'honnêteté des prestataires a déjà permis de restituer le tiers des doublons.

Dans un communiqué conjoint envoyé en fin de journée, Revenu Québec et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale demandent aux prestataires touchés par cette situation de retourner l'un des deux chèques reçus à leur centre local d'emploi (CLE). Ces chèques seront ensuite détruits.

Québec prendra parallèlement des mesures pour retrouver les chèques manquants. Des «procédures de récupération et de réclamation usuelles» devraient ensuite être appliquées envers les gens qui auraient déjà encaissé les deux chèques.

La nouvelle tombait à point pour les institutions financières, les sociétés d'encaissement de chèques et les prestataires, dont plusieurs ne savaient toujours pas sur quel pied danser à la veille du premier du mois.

«Nos équipes sont en contact avec le ministère [de l'Emploi et de la Solidarité sociale]. On est un peu dépendant de leur procédure», a souligné en après-midi André Chapleau, directeur principal des relations de presse chez Desjardins. Québec expédie environ 73 000 chèques d'aide de dernier recours par mois.

Désagréments

La situation a jusqu'ici généré son lot de désagréments.

«Chers clients, suite à une erreur du gouvernement, nous sommes dans l'impossibilité d'encaisser les chèques gouvernementaux (aide sociale) pour le mois d'octobre», pouvait-on lire hier sur l'affiche placardée dans la porte de la succursale Insta-Chèques de la rue Ontario, à Montréal.

Au comptoir, à l'intérieur, un jeune homme tentait en vain d'encaisser son chèque, avant de sortir en furie. «Je ne peux pas», plaidait l'employée, qui avait l'air dépassée par les événements.

Laurraine Martel poussait la porte de l'endroit au même moment. Elle a reçu deux chèques dans l'enveloppe du gouvernement.

Une première en 20 ans de prestations. «Pas question d'essayer d'encaisser les deux, je ne suis pas une fraudeuse!», a lancé la dame avec aplomb. «Je vais en retourner un des deux, je suis honnête», a ajouté Mme Martel.

Son amie Sylvie croit que ceux qui ont réussi à encaisser les deux chèques n'auront pas le choix de rembourser. «Ils risquent de perdre leur nom à l'aide sociale», croit-elle.

De l'autre côté de la rue Ontario, une succursale de la société Rapide-Chèque acceptait uniquement de rembourser les prestataires qui débarquaient avec deux chèques en main.

«On récupère ainsi un chèque et on a la preuve que la personne en a reçu deux», a expliqué Adam, un employé. «Il y a beaucoup frustration. C'est pas le fun de notre bord et du leur», a-t-il confié.

L'erreur du gouvernement

Au guichet voisin, le même prestataire qui a claqué la porte de la succursale Insta-Chèques un peu plus tôt de l'autre côté de la rue s'emportait. «Pas moyen de changer mon chèque nulle part!»

Son ami François connaît des gens qui ont encaissé deux chèques. «C'est sûr que le gouvernement va finir par se rembourser, mais c'est leur erreur!», pestait le jeune homme.

Un point de vue partagé par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCQASQ).

«Pour nous, ce n'est pas aux gens les plus appauvris de notre société d'assumer une erreur administrative», a indiqué la porte-parole Amélie Châteauneuf.

Selon elle, les gens qui ont reçu la directive de retourner le chèque au gouvernement le font. «Ils ne sont pas plus malhonnêtes qu'ailleurs. Mais certaines personnes n'ont pas accès à l'information, ça arrive souvent dans des situations d'extrême pauvreté", a expliqué Mme Châteauneuf. Elle craint que cette bourde entraîne toutes sortes de problèmes chez des gens qui pourraient avoir profité de cette rentrée d'argent inattendue pour combler des besoins essentiels.

«Des gens ont pu penser de bonne foi que c'était un supplément», a indiqué Mme Châteauneuf.

Revenu Québec s'est engagé hier à prendre les mesures nécessaires pour éviter qu'une pareille situation se reproduise.

- Avec la collaboration de Denis Lessard