La mort de Patrick Rivet, abattu par un professionnel comme le sont les vrais gangsters le 12 septembre dernier, étonne tous ceux qui connaissaient ce technicien en télécommunications et même les enquêteurs. Le défunt avait certes un solide casier judiciaire, mais aucune "histoire" ne peut le lier au monde du crime organisé.

Il était environ 23h15 ce soir-là quand l'homme de 45 ans a garé sa minifourgonnette transportant les hautes échelles nécessaires à son travail, près du restaurant Mikes du centre commercial Place Versailles, dans l'est de Montréal. À 200 mètres environ des fenêtres des bureaux des enquêteurs des crimes majeurs et de la division du crime organisé, eux aussi installés à Place Versailles.

Un tireur s'est approché et lui a logé au moins une balle dans la tête, à travers la vitre de sa fourgonnette, avant de fuir sans laisser de trace.

Un travail de "professionnel", dans le jargon des initiés aux enquêtes sur les homicides et le crime organisé.

La première idée des limiers après un meurtre commis de cette façon, c'est de chercher à quel groupe, motards, gang de l'ouest ou mafia, la victime pourrait s'être acoquinée.

«Mais il n'a pas d'histoire», raconte une source proche de l'enquête. En clair, jamais les enquêteurs ou membres des services de renseignement ne l'avaient observé dans le cadre d'investigations sur les réseaux de trafiquants de drogue et autres activités propres aux organisations criminelles.

Un casier bien rempli

Les limiers doivent donc chercher ailleurs. Était-il endetté? S'était-il brouillé avec un ancien complice?

Car s'il n'était pas membre d'un gang criminel, il avait malgré tout un casier judiciaire bien chargé. Surtout en matière de vols qualifiés avec violence.

En 2006, Rivet avait dirigé l'assaut armé d'un camion semi-remorque transportant 374 caisses de cigarettes valant près de 1,3 million de dollars. Les voleurs ont vite été repérés par les policiers et Rivet a fini par plaider coupable.

En liberté conditionnelle

Il a écopé de plus de sept ans de prison. Il venait tout juste d'en sortir et se trouvait encore en liberté conditionnelle le jour de sa mort.

La Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) a reconnu que Rivet a travaillé fort sur ses problèmes divers même s'il manquait parfois de transparence au sujet, par exemple, de ses finances mal maîtrisées et d'une relation amoureuse naissante mais tendue. Mais il a au fil du temps surmonté la plupart des embûches, ont noté les intervenants.

Mario Coderre, son ami et employeur, s'est plus d'une fois présenté devant les commissaires de la CNLC pour le soutenir. Il l'a embauché comme technicien sous-traitant dans son entreprise.

«Je suis tombé en bas de ma chaise quand j'ai appris son meurtre. C'était un gars sympathique avec tout le monde. Les gens de la répartition chez nous, les clients, tout le monde l'aimait et le félicitait pour son travail. Il travaillait à son compte et faisait beaucoup d'heures. J'essayais de l'aider à se reprendre en main», raconte l'homme.

Me Robert Polnicky, qui a plusieurs fois représenté Rivet devant le tribunal, est tout aussi médusé. «Il avait un passé criminel lourd. Mais jamais je n'ai eu l'impression qu'il avait des liens avec des membres du crime organisé. J'ai été très surpris quand j'ai appris la nouvelle», a-t-il affirmé, rappelant au passage que Rivet a combattu un cancer en 2004 et 2005.