Les patrons d'importantes organisations criminelles québécoises doivent vraisemblablement se morfondre depuis deux semaines. La Garde côtière américaine a saisi 630 kg de cocaïne évalués à plus de 20 millions sur un navire qui se dirigeait vers Montréal, le 2 septembre dernier, au large de Cape Cod, au Massachusetts.

La nouvelle a fait grand bruit dans les journaux bostoniens, dont le Boston Globe, mais est pratiquement passée inaperçue ici.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) n'a pas voulu commenter l'affaire, mais des sources ont confié à La Presse que le commanditaire d'une telle importation est assurément une grande organisation, compte tenu des coûts et des longs mois de préparation qu'une opération comme celle-là nécessite.

Il se pourrait également qu'il s'agisse d'un regroupement de groupes criminels, qui se rassemblent pour partager les coûts et minimiser les pertes, comme on le voit régulièrement depuis quelques années.

Si la drogue vaut au bas mot 20 millions, les pertes sont encore plus importantes en profits qui ne seront jamais réalisés par la revente dans la rue.

Autre raison de croire que les commanditaires sont des groupes locaux: c'est la GRC qui a avisé les autorités américaines qu'un navire suspect, qui arrivait du Venezuela, voguait au large de la côte Est, selon une déclaration sous serment rédigée par un enquêteur de la police de l'État du Massachusetts.

Les gardes-côtes américains et les enquêteurs de la Drug Enforcement Administration (DEA) ont arrêté deux individus à bord du navire, un citoyen espagnol et un Canadien, Hicham Ramzi Nahra. Lors de son arrestation, ce dernier a spontanément admis avoir des antécédents liés à la marijuana. Tout indique qu'il s'agirait d'un résidant de Laval de 27 ans condamné à 90 jours de prison discontinus à la suite de la découverte de plus de 100 plants de marijuana dans la voiture dans laquelle il se trouvait avec son cousin dans la MRC de Salaberry-de-Valleyfield, en juin 2010.

Selon la même déclaration sous serment, lors de son arrestation sur le bateau, Nahra a dit, en français, à son complice espagnol quoi répondre aux policiers américains qui les questionnaient. Mais manque de chance, l'un des limiers parlait couramment le français. Les deux hommes se sont également contredits en se disant chacun le capitaine du bateau.

Nahra a également raconté aux policiers que le bateau appartenait à un résidant du Maryland, mais qu'il venait d'être vendu à un certain Gary Nixon, de la 17e Avenue, à Deux-Montagnes. Il a ajouté qu'il devait être payé 1000 $ pour livrer le navire à Montréal et qu'il s'était rendu le chercher à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, petite île des Antilles, ce qui semble correspondre aux tampons de son passeport.

Le bateau, qui s'appelait autrefois Callisto et qui a été rebaptisé Elegance, battait pavillon canadien, mais les autorités canadiennes ont confirmé à leurs homologues américaines qu'aucun bateau n'était enregistré à ce nom et avec ce numéro de série.

Nahra et son présumé complice sont accusés de possession de cocaïne dans un but de trafic et sont passibles d'une longue peine de prison s'ils sont reconnus coupables.

Chronologie

28 août

La GRC envoie un message aux autorités américaines voulant qu'un navire de 49 pieds de longueur, le Callisto, vogue dans les eaux internationales, au large de la côte est américaine. La police fédérale canadienne indique que son dernier port d'attache a été Puerto La Cruz, au Venezuela, et donne le numéro de série du navire.

29 août

Le bateau Dependable de la Garde côtière américaine part à la chasse du Callisto. Deux jours plus tard, à 5h30 du matin, le Callisto est repéré à environ 400 milles nautiques de la côte.

1er septembre, 3h25

Le Dependable, qui se trouve à 10 milles nautiques du Callisto, à la hauteur de Cape Cod, envoie deux embarcations vers le bateau suspect qui arbore un autre nom, Elegance, et bat pavillon canadien.

1er septembre, 5h22

Les policiers demandent par radio aux occupants du Callisto de sortir sur le pont. Deux individus se montrent aux policiers qui abordent le navire et interrogent les suspects.

2 septembre, 16h

Après avoir obtenu le feu vert de la GRC pour fouiller le Callisto, les policiers américains découvrent 23 gros sacs de plastique contenant au total 630 kg de cocaïne. Les deux marins sont arrêtés.