Parce qu'il semble être devenu le fief de membres du crime organisé, dont le parrain de la mafia Vito Rizzuto, le chic restaurant italien Cavalli, rue Peel, s'est retrouvé la semaine dernière devant la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ).

Une démarche qui se poursuivra dans les mois à venir (d'autres audiences sont prévues les 24 et 31 janvier), au terme de laquelle l'établissement montréalais pourrait se voir retirer son permis d'alcool.

La Presse a rapporté à la fin du mois de juin que le Cavalli avait été convoqué par la Régie. Mais un nouvel avis de convocation amendé, qui fait état de nombreux faits nouveaux pour étayer le dossier, a été déposé.

Ce document énumère des dizaines d'observations faites par la police de Montréal entre 2006 et 2013 pour démontrer la nuisance à la tranquillité et la sécurité publique que représente selon elle ce restaurant qui se décrit comme le lieu de rassemblement d'une «clientèle raffinée».

Outre les habituelles contraventions aux règles comme la présence sur les lieux de bouteilles d'alcool non estampillées par la SAQ, le trop grand nombre de clients (449 personnes s'y trouvaient le 2 septembre 2011, alors que le maximum permis est de 143) ou le bruit excessif, la présence de membres du crime organisé inquiète la Régie.

Pire, ils semblent s'y comporter comme si l'endroit leur appartenait, notent les policiers.

«Le 27 mars 2011, les policiers ont fait une visite à votre établissement pour parler avec un client qui est relié aux gangs de rue. Durant cette discussion, le client les a amenés dans la cuisine de votre établissement sans aucune opposition de votre personnel ou sans demander la permission», lit-on dans l'avis de convocation, qui fait également état d'une multitude d'événements violents au cours desquels des clients ont été frappés à coups de poing, de chaises ou de bouteilles, et certains ont même été blessés par balle. Souvent, des employés auraient tenté d'empêcher les policiers de faire leur travail.

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Les reproches de la RACJ au Cavalli

9 décembre 2004,

«les policiers ont rencontré M. Giovanni Caruso, administrateur et actionnaire de la titulaire. À cette occasion, M. Caruso a mentionné être au courant de la présence du crime organisé italien à l'intérieur de son établissement.»

25 juillet 2006,

«lors d'une bagarre qui a débuté dans votre établissement et qui a continué dehors, devant l'établissement, les policiers se sont rendus sur les lieux. Ils n'ont reçu aucune coopération de la part du personnel, le gérant de votre établissement a tenté de bloquer l'accès à l'intérieur de l'établissement aux policiers, au point où ces derniers ont dû le tasser pour entrer.»

1er mai 2011,

«il y a eu une altercation entre deux de vos clients dans votre établissement, au point où les portiers ont dû intervenir pour les expulser de l'établissement. Plus tard, dans la même soirée, un coup de feu a été tiré et a fracassé la vitre avant de votre établissement.»

8 avril 2011,

«les policiers se sont rendus à votre établissement à la suite d'un appel pour une bagarre. Sur place, ils ont constaté que les individus impliqués étaient reliés aux motards et aux gangs de rue et qu'un client avait été blessé. La clientèle, incluant la victime, ainsi que le gérant de votre établissement n'ont pas coopéré avec les policiers.»

15 juillet 2011,

«les policiers se sont déplacés à votre établissement à la suite d'un appel pour une bagarre. Sur place, ils ont constaté un attroupement de personnes ainsi que la présence de deux clients ayant été tabassés et poignardés. Les policiers ont aussi constaté que les portiers de votre établissement ont aidé les suspects qui n'étaient plus sur les lieux.»

Le 10 août 2012,

«les policiers se sont rendus à votre établissement à la suite d'une information policière concernant la possibilité qu'un individu armé y soit présent. Sur place, ils ont procédé à l'arrestation d'un individu pour possession d'une arme à feu, cette arme ayant été trouvée chargée sous une banquette de l'établissement.»

13 juin 2013,

«dans votre établissement, votre préposé ainsi que le personnel de sécurité a entravé le travail des policiers agissant dans l'exercice de ses fonctions, en dénonçant sa présence à la clientèle criminalisée.»

6 décembre 2011,

«M. E a reçu un projectile d'arme à feu au ventre à la suite d'une bagarre.»

7 juin 2013,

«les policiers ont constaté la présence de plusieurs individus reliés au crime organisé ainsi qu'aux gangs de rue dont M. G ainsi que M. H qui se trouvait à l'arrière d'un des bars de votre établissement en train de manipuler l'alcool et a déclaré aux policiers avoir acheté l'établissement dernièrement.»

- Avec la collaboration de Daniel Renaud