Ils avaient l'air de paisibles retraités. Leur passé de braqueurs endurcis semblait oublié de tous. Mais ce matin, trois sexagénaires sont revenus au tribunal pour être accusés d'avoir planifié une attaque de fourgon blindé «comme dans le bon vieux temps» tout en cachant leurs explosifs dans une maison de retraite montréalaise.

Les trois accusés resteront derrière les barreaux jusqu'à leur retour devant le tribunal.

La police de Montréal a confirmé dimanche qu'une enquête avait été lancée il y a quatre mois, sur la base de renseignements voulant qu'une attaque de fourgon bancaire soit imminente. Vendredi, trois suspects âgés de 62, 63 et 65 ans ont été arrêtés. Tous ont des antécédents criminels.

L'une des personnes arrêtées est Denis Paquette, 63 ans, selon ce qu'a appris La Presse. Au cours des dernières années, il semblait mener une vie très calme, après avoir frôlé la mort à plusieurs reprises dans sa carrière.

Paquette habitait à l'Éveil de Pointe-Saint-Charles, une résidence pour retraités et semi retraités, rue de Coleraine. Là-bas, tout le monde n'avait que de bons mots pour lui, samedi matin.

«Ce n'était pas un sauvage, c'était un bon vivant, il s'entendait bien avec tout le monde. Il faisait son jogging tous les jours, même l'hiver, et il s'occupait constamment de sa mère, qui est placée dans un centre d'hébergement pas loin. C'est sûr que l'habit ne fait pas le moine», a confié un voisin qui le fréquentait à l'occasion, sous couvert de l'anonymat.

Une balle dans la tête

Personne sur place ne semblait connaître le passé de Paquette. En 1988, au moment où il sortait d'une caisse populaire de Saint-Henri avec un fusil tronçonné et 20 000$ dans un sac, un policier de Montréal lui a tiré une balle dans la tête en tentant de l'arrêter. Il a survécu, bien que les médecins aient dit au départ qu'ils étaient incapables de retirer le projectile.

Dès 1981, Paquette s'est fait connaître en ouvrant le feu sur deux clients d'un bar de LaSalle. Il avait déjà, à cette époque, des antécédents de vol qualifié.

En perquisitionnant dans son logement, samedi, les policiers ont découvert ce qui leur semblait être un engin explosif. Des experts du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont déterminé que l'engin présentait «un très haut niveau de danger». Plusieurs dizaines de personnes ont dû être évacuées pour la nuit.

Les résidants du quartier ont pu entendre deux détonations contrôlées, déclenchées par la police. À la deuxième explosion, vers 6h ce matin, le paquet a été complètement détruit.

«C'était épeurant, ils nous ont fait tous rentrer dans nos maisons, pas le droit de sortir», raconte une dame qui habite juste en face de l'immeuble.

Le SPVM a confirmé que deux autres perquisitions ont eu lieu - une ailleurs à Montréal et une autre à Repentigny.

Selon nos informations, le deuxième des trois sexagénaires arrêtés est Gilles Pinsonneault, 65 ans. Il a notamment écopé de 15 ans de prison en 1995 pour une attaque de fourgon blindé qui avait tourné à la fusillade à ville Saint-Laurent.

Après avoir fait sauter la porte du camion à la dynamite, les voleurs avaient tiré vers la police au AK-47. Ils avaient failli prendre la clé des champs avec un magot de 46,7 millions, mais avaient été interceptés par d'autres policiers.

Un des complices dans cette affaire était Marcel Talon, célèbre criminel incarné par Michel Côté dans le film Le dernier tunnel, sorti en 2004.

Libération suspendue

Libéré sous condition en 2005, Pinsonneault semblait passer le plus clair de son temps à s'entraîner, comme son ami Denis Paquette.

Il avait toutefois été renvoyé temporairement derrière les barreaux en 2009, à la suite d'une autre enquête sur un braquage de camion blindé survenu l'année précédente dans le sud-ouest de Montréal.

La police de Montréal n'a jamais retrouvé le magot d'un million qui avait été dérobé à la pointe d'un fusil dans la rue de l'Église. Mais comme le milieu des braqueurs de fourgon blindé est très restreint et hermétique, elle avait pris plusieurs personnes en filature.

Les enquêteurs n'ont pu arrêter les auteurs du vol, mais la filature a permis au passage d'apercevoir Pinsonneault fréquenter des individus criminels, ce qui lui était interdit par ses conditions de libération. Ils l'ont donc arrêté pour non-respect de conditions, selon ce que raconte son dossier de libération conditionnelle, que La Presse a obtenu.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud