Même à 74 ans, Luigi D'Amico pourrait encore être rattrapé par son passé. L'ancien fabricant de fromage et restaurateur de Granby, soupçonné d'être un leader de la mafia locale, se bat devant la Cour fédérale pour éviter d'être renvoyé dans son pays d'origine, l'Italie. Le Canada, comme il l'a fait avec d'autres mafiosi, dont le Calabrais Moreno Gallo, veut l'expulser pour grande criminalité. D'Amico, qui est résident permanent, traîne un passé criminel en matière de trafic de cocaïne et de cannabis. Il a obtenu un sursis en 2007, mais le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration l'accuse d'avoir manqué à ses conditions. Fort d'une nouvelle preuve, dont une partie a été amassée lors de l'opération antimafia Colisée, le ministre revient à la charge.

«Des informations importantes découvertes après l'octroi du sursis démontrent que le portrait du demandeur dépeint en 2007 était erroné et que son implication criminelle dépasse largement l'erreur de parcours qu'il allègue avoir commise», peut-on lire dans un mémoire déposé en octobre dernier.

À coups de AK-47

Le mémoire fait notamment état de plusieurs conversations et rencontres au Consenza, ancien quartier général des Siciliens, rue Jarry, entre D'Amico et Francesco Arcadi, un lieutenant du parrain déchu Vito Rizzuto condamné dans la foulée de l'enquête Colisée, que D'Amico a avoué connaître depuis plusieurs années et aimé «comme un fils».

Ces rencontres et discussions remontent aux années 2004-2005 alors qu'un conflit a failli dégénérer en guerre ouverte entre les deux clans à propos d'une importante dette pour une exportation de marijuana aux États-Unis qui a mal tourné.

Durant ce conflit, un individu ayant des liens avec la mafia et les motards, Sergio Piccirilli, est entré dans le Consenza en exhibant une arme. Ses hommes et lui ont également rôdé autour du café durant plusieurs jours. Les soldats du clan Rizzuto ont répliqué en nolisant un hélicoptère duquel ils auraient tiré avec une AK-47 sur le toit de la maison de l'un des fils de Luigi D'Amico.

C'est aussi durant ce conflit qu'un présumé trafiquant de marijuana, Nick Varacalli, a été enlevé chez lui un soir d'Halloween et ensuite libéré, non sans laisser une vidéo tournée par ses ravisseurs qui a grandement intéressé les enquêteurs.

Fausse allégations

Dans son témoignage devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Luigi D'Amico a expliqué que ce conflit avait éclaté en raison d'une dette de 900 000$ que Francesco Arcadi avait contractée envers son fils, Patrizio, pour des travaux paysagers ou de construction. Patrizio, qui vit maintenant principalement en République dominicaine, où il a des projets immobiliers, a lui aussi témoigné devant la Commission en 2007 et nié le passé criminel de son père.

Luigi D'Amico, qui est représenté par Me Stéphane Handfield, soutient que la preuve présentée contre lui contient des erreurs et «des allégations non prouvées dont certaines ne sont supportées que par des articles de journaux dont on ne connaît pas les sources».

Luigi D'Amico, qui est arrivé au Canada en 1957 à l'âge de 19 ans, prétend ne plus avoir de contact avec sa famille en Italie. Il dit que, avec ses 4 enfants et 11 petits-enfants, sa vie est ici et qu'il va manquer à ses descendants s'il est expulsé.

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