Un autre homme accusé de meurtre n'aura pas à être jugé en raison du trop long délai pour subir son procès. Ryan Wolfson a vu sa requête basée sur l'arrêt Jordan être accueillie, vendredi, par le juge de la Cour supérieure Guy Cournoyer.

Wolfson, un type de 45 ans au lourd casier judiciaire, était accusé du meurtre de Pierre-Paul Fortier, abattu de plusieurs balles le 18 octobre 2012, à Saint-Sauveur, et de tentative de meurtre à l'égard de Dannick Lessard, survenue le 28 octobre 2012, à Mirabel.

L'accusé devait être jugé en septembre prochain, soit 58 mois après avoir été mis en accusation. Le juge Cournoyer estime que le délai est trop long et tient la poursuite responsable. Entre autres, celle-ci aurait trop tardé à accepter de séparer les chefs d'accusation. De fait, quand il a été arrêté en 2012, Ryan Wolfson a été accusé pour cinq incidents violents survenus en un mois à l'automne 2012, soit deux meurtres et trois tentatives de meurtre, ainsi que pour possession d'armes à feu chargées. Selon le ministère public, Wolfson avait agi comme tireur pour le compte de Benjamin Hudon-Barbeau, qui aurait commandé ces attentats.

Cinq procès

La défense voulait avoir cinq procès différents. Après un certain temps, la poursuite a finalement consenti, le 20 juin 2016, à séparer les chefs pour faire deux procès. Le premier procès s'est déroulé en septembre dernier, à Saint-Jérôme, au terme duquel M. Wolfson a été déclaré coupable du meurtre prémédité de Frédérick Murdock, 33 ans, et de deux tentatives de meurtre à l'égard de Tommy Pietrantonio et de son père, Vincent Piertrantonio. Wolfson a écopé automatiquement la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans. Il est en appel du verdict.

Injuste

Les parents de feu Pierre-Paul Fortier sont sortis amèrement déçus de la salle d'audience, vendredi. Ils ne s'attendaient pas du tout à un tel revirement. Depuis 2012, ils disent avoir assisté à toutes les étapes des procédures judiciaires, incluant l'enquête préliminaire. « On pensait qu'il aurait son procès en septembre. Ils avaient tout pour le condamner », déplorent Nicole et Jean-Jacques Fortier.

Pour eux, le fait que Ryan Wolfson purge de toute façon une peine à vie pour meurtre n'atténue guère leur déception. Il y a toujours le risque qu'il gagne en appel. Surtout, ils considèrent que la mort de leur fils de 27 ans reste impunie. Le jeune homme avait deux enfants.

Mme Fortier peinait à retenir ses larmes, vendredi. « Mon garçon a eu trois balles dans le dos et deux dans la tête. Aujourd'hui, il [Wolfson] m'a regardé et il riait », a-t-elle déploré.

« Il n'y a pas eu de justice. C'est rire du monde. J'espère que la Couronne va aller en appel », de renchérir M. Fortier.

Me Steve Baribeau, qui occupe pour le ministère public dans cette affaire avec un collègue, semblait secoué en sortant de la salle d'audience. « Le juge a fait un résumé, mais on n'est pas du tout en accord avec l'analyse faite dans le jugement. On va regarder ça attentivement et on prendra les décisions qui s'imposent », a-t-il dit.

Me Alexandra Longueville, qui avait plaidé la requête en arrêt des procédures, a pour sa part signalé que M. Wolfson avait vu ses droits à un procès juste et équitable être escamotés en raison des délais. « La Charte des droits et libertés est faite pour tout le monde », a-t-elle dit, tout en ajoutant que ça ne l'empêchait pas de comprendre les sentiments des parents des victimes.

Autre cas

Rappelons qu'il y a deux semaines, un homme accusé du meurtre de son épouse, Sivaloganathan Thanabalasingham, avait obtenu un arrêt des procédures en vertu de l'arrêt Jordan. Cet arrêt rendu l'été dernier par la Cour suprême fixe à 30 mois le délai pour être jugé quand il y a enquête préliminaire. Il y a toutefois des exceptions qui peuvent être prises en compte. Le ministère public est en appel du jugement.

PHOTO COURTOISIE

Ryan Wolfson

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Les parents de feu Pierre-Paul Fortier sont sortis amèrement déçus de la salle d'audience, vendredi

Extraits du jugement Cournoyer

L'arrêt Jordan ne transforme pas les délais qui auraient été considérés jusqu'alors comme raisonnables en délais déraisonnables... Il faut souligner que les délais institutionnels ne limitaient pas la capacité de la poursuite de remédier à la situation et d'accélérer les procédures afin de permettre la tenue d'un procès dans un délai plus rapproché. »

« La poursuite possédait les outils nécessaires pour faire juger l'accusé dans un délai raisonnable, mais elle ne les a pas utilisés. Malgré l'insistance de l'accusé pour faire valoir son droit, elle ne s'en est guère souciée. »