La policière qui devait accompagner Daphné Boudreault dans l'appartement de son ex-copain à Mont-Saint-Hilaire a cogné à la mauvaise porte de la résidence pratiquement au moment du meurtre, a appris La Presse de source policière. Quelques instants plus tôt, la victime de 18 ans était déjà tombée dans le piège d'Anthony Pratte-Lops en rentrant seule dans l'appartement.

Une simple lettre dans l'adresse est au coeur de cette terrible confusion. L'agente de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent s'était bien rendue au 422, rue Forest comme convenu. Or, Anthony Pratte-Lops habitait au 422A, un appartement aménagé au sous-sol de la résidence, mais seulement accessible par l'arrière. Des traces de sang étaient d'ailleurs toujours visibles sur l'escalier extérieur arrière, jeudi matin.

En cognant à la porte avant, sans réponse, la policière a soudainement entendu du brouhaha provenant du sous-sol. Elle s'est alors précipitée à l'arrière pour tomber nez à nez avec Anthony Pratte-Lops à l'intérieur de l'appartement. Le costaud gaillard de 22 ans avait les mains maculées de sang, selon notre source. Daphné Boudreault reposait inerte au sol, gravement blessée par les coups de couteau - elle a succombé à ses blessures à l'hôpital.

Anthony Pratte-Lops a aussitôt été mis en état d'arrestation.

Daphné Boudreault n'aurait pas tenté de fuir la policière et n'aurait pas refusé l'escorte à la dernière minute, selon une source policière bien au fait de l'enquête. La jeune femme et la policière seraient parties du poste de police dans leur voiture respective, mais les aléas de la circulation les auraient séparées. C'est pourquoi Daphné Boudreault serait arrivée à l'appartement entre une et cinq minutes avant la policière. La jeune victime était d'ailleurs convaincue que son ex-conjoint se trouvait à Québec, comme il avait promis. C'est pourquoi elle aurait décidé de rentrer pour récupérer ses effets personnels, sans la policière.

Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) et la Sûreté du Québec (SQ) n'ont pas confirmé cette version des faits. « On ne commente pas les enquêtes en cours », a indiqué le sergent Claude Denis, de la SQ. Anthony Pratte-Lops a été accusé, jeudi, de meurtre prémédité au palais de justice de Saint-Hyacinthe. Cinq enquêteurs du BEI sont à l'oeuvre pour faire la lumière sur l'intervention policière du corps municipal.

Daphné Boudreault s'est rendue au poste de police de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent vers midi mercredi, à la fin de son quart de travail au dépanneur à 11 h 40. Elle avait alors la ferme intention de déposer une plainte contre son ex-conjoint, selon sa collègue Stéphane Peddie. Au poste, elle aurait refusé de déposer une plainte pour harcèlement pour une raison inconnue. Une policière s'était toutefois engagée à l'accompagner jusqu'à son appartement. À 12 h 28, Daphné Boudreault était poignardée.

UNE ESCORTE POLICIÈRE DÉJÀ DEMANDÉE

La jeune caissière, qui venait de retourner à l'école, n'en était toutefois pas à sa première demande d'escorte policière. Quatre policiers de la Régie avaient refusé sa demande initiale le matin même, selon des collègues témoins de la scène. Apeurée par son ex-conjoint qui la harcelait sur son lieu de travail dès 5 h 30 du matin, Daphné Boudreault avait appelé au 911. « Elle pleurait et elle avait peur », a raconté sa collègue Sophie-Andrée Savard.

Les policiers n'auraient rien fait pour rassurer Daphné Boudreault, puisque celle-ci ne voulait pas porter plainte, ont raconté des témoins à La Presse. Les quatre agents n'auraient pas pris en considération non plus le fait qu'Anthony Pratte-Lops avait volé le cellulaire de la jeune femme et s'en servait pour écrire à ses amies. C'est d'ailleurs pour récupérer son téléphone que Daphné Boudreault tenait à se rendre rapidement dans son ancien appartement.

Sauf qu'elle est plutôt tombée dans le piège de son ex-copain, un homme rongé par la jalousie qui refusait d'accepter leur récente rupture. D'ailleurs, entre l'intervention des policiers au dépanneur et le meurtre, Anthony Pratte-Lops a publié deux vidéos sur Facebook au contenu fort troublant, où il déversait son fiel contre la « femme [qu'il] aime ». « Je te souhaite tout le malheur du monde  ! », lançait-il à la caméra. Trois heures plus tard, ce malheur submergeait la vie d'une jeune femme pleine de joie et d'ambition.

RASSEMBLEMENT À SA MÉMOIRE

Un rassemblement à la mémoire de Daphné Boudreault aura lieu le samedi 1er avril, à 20 h, à l'école secondaire Ozias-Leduc, à Mont-Saint-Hilaire. Ce sont les amies de la jeune femme qui ont pris l'initiative d'organiser ce moment de recueillement.

« Le 22 mars 2017, nous avons perdu un être cher. Un petit rayon de soleil qui, à elle seule, pouvait illuminer l'univers entier. Elle avait ce petit quelque chose qui nous rassurait, qui nous protégeait et qui nous aimait. Toujours le coeur sur la main, elle venait en aide à ses amis avant même de s'aider elle-même », écrivent les organisateurs sur la page Facebook de l'événement.

« Nous n'allons faire qu'un, pour pouvoir apaiser la douleur que nous avons dans la poitrine. Bougie, mots doux et amours sont au rendez-vous pour l'hommage de Daphné Huard-Boudreault », concluent-ils.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

À son arrivée sur les lieux du drame, l'agente est arrivée nez à nez avec Anthony Pratte-Lops.