Lu Chan Khuong n'a pas la crédibilité requise pour être bâtonnière du Québec, a affirmé hier la titulaire actuelle de la fonction, donnant le coup d'envoi d'une course dont l'acrimonie tranche avec le calme habituel des élections professionnelles.

Me Claudia Prémont, qui lançait hier sa campagne pour garder son poste à la tête de l'ordre professionnel des avocats pour deux années supplémentaires, se pose en candidate de la « sérénité ».

Me Lu Chan Khuong, forcée à démissionner en septembre 2015, « est extrêmement critique, sans toujours apporter de solution. Elle le disait elle-même : elle polarise. Il y a des gens qui l'aiment et des gens qui ne l'aiment pas du tout », a lancé son adversaire, qui déplore la façon dont elle a géré la crise qui la concernait.

« Soit on polarise et on divise ou soit on amène une unité et on fait l'unanimité. » - Me Claudia Prémont

A-t-elle la crédibilité nécessaire pour être la porte-étendard des avocats ? « Je ne crois pas », a répondu Me Prémont.

Me Khuong, qui a été bâtonnière pendant seulement quelques mois en 2015, a répliqué en entrevue avoir « honte de son Barreau » depuis l'arrivée de sa successeure à la barre. Elle a accepté de quitter son poste en croyant que son programme politique serait repris, mais elle a été amèrement déçue, a-t-elle dit.

« Il y a un changement qui est nécessaire : c'est de mettre de l'ordre dans l'ordre. » - Me Lu Chan Khuong

Selon Me Khuong, les administrateurs actuels « sont déconnectés des membres » et ça « ne passe plus ». La timidité du Barreau pendant les premiers mois de la grève des juristes de l'État est un bon exemple des failles de l'organisation, selon elle.

IDÉES SEMBLABLES

Les idées des deux candidates ne sont pourtant pas si éloignées : les deux estiment que le salaire du bâtonnier - environ 310 000 $ annuellement - est trop élevé et devrait être diminué.

Me Khuong promet de le rapporter à celui du premier ministre du Québec : environ 180 000 $. Me Prémont juge qu'avancer un chiffre précis serait « populiste » et pourrait entraîner une course vers le bas où chaque candidat promet de prendre un salaire moindre que son concurrent. Elle s'engage plutôt à entamer une réflexion sur le sujet.

Les deux ex-amies - Me Khuong avait « demandé fortement » que Me Prémont prenne le poste au cours des négociations qui ont mené à son départ - s'entendent aussi sur la pertinence de convaincre le gouvernement de rendre déductible d'impôt une partie des honoraires des avocats.

Lu Chan Khuong a quitté son poste dans la tourmente après que La Presse eut révélé qu'elle avait fait l'objet d'une plainte à la police pour vol à l'étalage. Me Khuong a toujours nié avoir volé quoi que ce soit. Elle n'a jamais été accusée.

Un troisième candidat tentera de brouiller les cartes : le jeune avocat Paul-Matthieu Grondin avoue n'avoir « pas la notoriété ou l'argent » de ses opposantes, mais promet de travailler « très fort » pour faire une « révolution » au Barreau. Une baisse « très importante » du salaire du bâtonnier est à son programme, tout comme la gratuité de la formation continue.

Photo Pascal Ratthe, archives Le Soleil

Me Lu Chan Khuong tente de reprendre la tête du Barreau du Québec.