La Couronne en appelle de l'acquittement prononcé par un juge à l'endroit d'un chauffeur de taxi de Halifax qui était accusé d'avoir agressé sexuellement sa passagère, retrouvée ivre morte et à moitié nue sur la banquette arrière, en mai 2015.

Bassam Al-Rawi, âgé de 40 ans, a été reconnu non coupable, mercredi dernier, par le juge Gregory Lenehan, de la Cour provinciale de Nouvelle-Écosse. Selon le magistrat, la Couronne n'a pu démontrer hors de tout doute raisonnable que la présumée victime de viol n'avait pas consenti en fait à cette relation sexuelle.

La direction des poursuites criminelles et pénales de Nouvelle-Écosse croit qu'il existe des fondements solides pour en appeler de ce jugement. La Couronne estime notamment que le juge Lenehan a commis une erreur de droit en concluant à l'absence de preuves démontrant que la présumée victime n'avait pas consenti à la relation sexuelle. Le juge aurait aussi erré en droit en s'engageant dans des spéculations sur la notion de consentement plutôt que de s'en tenir à la preuve présentée devant lui au procès.

La direction des poursuites criminelles soutient aussi que le juge a mal interprété et appliqué le «test juridique» destiné à mesurer l'aptitude d'une personne à donner son consentement véritable, et qu'il n'a pas déterminé si l'accusé avait lui-même pris les mesures nécessaires pour s'assurer que la femme était bel et bien consentante.

La décision du juge Lenehan avait aussitôt déclenché une déferlante dans les provinces de l'Atlantique, où certains ont réclamé la révocation du magistrat. Une manifestation devait avoir lieu mardi à Halifax et une pétition en ligne exigeant une enquête sur le juge Lenehan avait recueilli plus de 35 500 signatures mardi après-midi.

Consentement et intoxication

Pendant le procès, en décembre et janvier, une policière a raconté qu'elle avait vu l'accusé cacher rapidement le pantalon et la petite culotte trempés d'urine de la plaignante, une femme dans la vingtaine. À l'arrivée des policiers, le pantalon de l'accusé était déboutonné et sa braguette était partiellement ouverte. La jeune femme était alors inconsciente et ses pieds étaient remontés sur les sièges avant.

Le juge a estimé que la policière avait bien fait d'arrêter le chauffeur de taxi parce qu'il était vraisemblable alors de croire que M. Al-Rawi s'apprêtait à avoir une relation sexuelle avec une femme qui ne pouvait accorder son consentement éclairé. Mais dans sa décision, il a conclu que la Couronne n'avait pu démontrer au procès cette absence de consentement préalable.

Selon le juge, une personne est réputée incapable de donner son consentement si elle est inconsciente ou si elle est tellement intoxiquée qu'elle ne peut comprendre ou mesurer une situation donnée. «Cela ne veut pas dire, toutefois, qu'une personne intoxiquée ne peut donner son consentement à une relation sexuelle», a-t-il précisé. «Une personne ivre peut certainement consentir.»

Lundi, l'Association des criminalistes de la Nouvelle-Écosse s'est portée à la défense du juge Lenehan. Dans un communiqué, l'association salue «son objectivité, sa compétence, ses qualifications» et son «équité», et déplore que les attaques qui visent le magistrat empoisonnent «une discussion essentielle pour prévenir les agressions sexuelles».

«C'est le type de personne que tout citoyen raisonnable et informé souhaiterait avoir comme juge.»