Quinze policiers ont été sanctionnés par les affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) depuis 2008 pour avoir consulté illégalement le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ), le grand répertoire d'information criminelle de la province. Cette révélation survient au même moment où une enquête sans précédent a été lancée pour faire la lumière sur les pratiques des enquêtes internes du SPVM.

Même si cette infraction est « très grave », selon le SPVM, les policiers pincés s'en sont presque tous tirés avec une ou deux journées de suspension.

Entre 2008 et 2016, 15 policiers du SPVM ont été reconnus coupables de 16 infractions par la Division des affaires internes du corps policier pour avoir accédé au CRPQ « à des fins personnelles ou dans le but d'en tirer un avantage ou un profit », indique un document obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Les policiers québécois utilisent quotidiennement cette banque de données pour consulter des dossiers criminels ou les informations liées à un numéro de plaque d'immatriculation.

Un seul policier a été destitué par le SPVM pour cette infraction au cours des neuf dernières années.

Il avait consulté à 46 reprises le CRPQ à des « fins personnelles et non autorisées » entre juillet 2006 et février 2007. Outre ce cas exceptionnel, les sanctions imposées aux policiers varient d'un à dix jours de suspension. Huit policiers n'ont eu qu'une journée de suspension, alors que quatre autres ont reçu deux ou trois jours de suspension. Un policier a été sanctionné dans deux dossiers. À noter que le nom des agents demeure confidentiel. 

Dans la moitié des cas, les policiers ont consulté la banque d'informations du Centre pour enquêter sur un numéro d'immatriculation. En 2010, un policier a écopé de trois jours de suspension pour avoir enquêté sur la plaque d'immatriculation d'une femme dans le but de connaître son nom, son adresse et sa date de naissance afin de « l'aborder ultérieurement ». En 2008, un policier a consulté à 21 reprises son propre dossier d'immatriculation. Il a reçu huit jours de suspension.

Plus récemment, le 1er août 2015, un policier du SPVM a accédé au CRPQ pour obtenir le « numéro de téléphone d'une plaignante, afin de lui envoyer des textos à des fins personnelles, et ce, en dehors de ses heures de travail ». Les affaires internes du SPVM lui ont imposé une suspension d'une journée. En octobre 2015, un policier a utilisé le Centre pour « confirmer le paiement » par sa conjointe des droits d'immatriculation de leur véhicule familial. Il recevra sa sanction dans les prochaines semaines.

UNE INFRACTION « PRISE AU SÉRIEUX »

« C'est une infraction très grave. On a tout [dans le CRPQ], on ne peut pas se permettre que les policiers consultent ça pour des fins autres que leur travail », assure la commandante Marie-Claude Dandenault, qui dirige l'équipe des communications du SPVM. Cette infraction est « tellement prise au sérieux », ajoute-t-elle, que ces dossiers sont automatiquement soumis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avant d'être traités par les affaires internes. Seul cas notable : le sergent-détective du SPVM Mario Lambert avait été acquitté par la Cour d'appel en 2014 à la suite d'une enquête interne bâclée.

« Seize cas, ce n'est pas énorme quand on considère la quantité d'enquêtes qui se fait au CRPQ [...]. Ce n'est pas terriblement inquiétant et ça prouve que ça fonctionne, parce qu'on les attrape. »

Les normes d'utilisation du CRPQ sont « extrêmement sévères » au SPVM, maintient la commandante Dandenault. Un policier doit utiliser un identifiant et un mot de passe uniques pour accéder à la banque de données. Il s'agit de la « plus grande » mesure de sécurité pour contrôler l'utilisation du CRPQ, selon Marie-Claude Dandenault. « Tu ne peux pas enquêter le CRPQ sur tous les ordinateurs du service de police. C'est seulement les ordinateurs qui sont destinés à ceux qui en ont besoin », précise-t-elle.

Le mécanisme disciplinaire interne du SPVM n'a rien à voir avec la procédure du Comité de déontologie policière, laquelle est enclenchée par les plaintes des citoyens formulées au Commissaire à la déontologie policière. Toutefois, aucun policier du SPVM n'a été reconnu coupable d'avoir utilisé le CRPQ illégalement par le Comité de déontologie policière depuis 2008, selon les recherches de La Presse.

Au cours de cette période, seulement huit policiers québécois ont été sanctionnés en déontologie policière, dont trois ont été destitués. L'ex-capitaine du Service de police de Saint-Jean-sur-Richelieu Robert St-Martin avait consulté « par impulsion ou par curiosité » le CRPQ à 35 reprises pour en apprendre plus sur des femmes qu'il fréquentait ou sur des membres de sa famille. En 2013, l'ex-agente de la Sûreté du Québec Jessica Gareau avait été destituée pour avoir effectué des vérifications sur sa nouvelle flamme liée aux Hells Angels.

- Avec William Leclerc, La Presse