Les femmes autochtones de Val-d'Or, en Abitibi, ont réclamé jeudi une enquête publique et indépendante sur la violence et les agressions sexuelles dont elles disent avoir été victimes.

Bien que le rapport du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n'ait pas encore été rendu public, plusieurs médias rapportent qu'aucune accusation ne sera portée contre les six policiers qui étaient visés par les plaintes de près d'une quarantaine de femmes autochtones.

Plusieurs de ces femmes ainsi que les représentantes du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or ont exprimé leur profonde déception et leur amertume face à la tournure des événements.

Elles ont fait part de leur espoir que justice soit rendue pour finalement constater qu'elles ne pouvaient désormais plus faire confiance au système de justice ou aux forces policières.

La directrice du Centre, Édith Cloutier, a amorcé la conférence de presse de jeudi en saluant le courage des femmes qui ont brisé le silence dans le cadre du reportage-choc de l'émission Enquête, de Radio-Canada.

Elle a accusé le premier ministre Philippe Couillard de se dérober en s'en remettant à l'enquête fédérale sur les femmes autochtones assassinées ou disparues. Elle estime qu'en refusant de mettre sur pied une commission d'enquête indépendante, le gouvernement québécois devient «complice» des gestes commis envers les femmes autochtones puisqu'il est responsable de la police provinciale, dont il est l'employeur.

«Nous avons fait confiance au système de justice canadien en participant de bonne foi à un processus où la police enquête sur la police», a laissé tomber Mme Cloutier, après un long silence.

Cette affaire illustre la violence institutionnelle contre les femmes autochtones du Québec, a-t-elle affirmé, en évoquant le rapport de l'observatrice civile indépendante, rendu public la veille. Me Fannie Lafontaine y relève notamment l'existence d'un racisme systémique et de pratiques discriminatoires au sein des forces de l'ordre.

Jacqueline Michel a ensuite pris la parole au nom des femmes autochtones de Val-d'Or, faisant la lecture d'une lettre signée par dix d'entre elles.

«Nous nous sentons trahies, humiliées et notre coeur est brisé en 1000 morceaux, a-t-elle déclaré, la voie chargée d'émotion. Comme si devant la justice de ce pays, nous n'étions pas importantes, nous ne comptions pas, nous n'avions pas été écoutées.»

Mme Michel a souligné que la décision du DPCP pourrait dissuader des victimes de porter plainte, avant de lancer un appel à la solidarité à l'ensemble des Québécois.

Les femmes autochtones de Val-d'Or ont par ailleurs mandaté une avocate d'une firme montréalaise afin de paver la voie à d'autres recours juridiques, dont la nature reste à déterminer.

Kelley veut une évaluation



Il faut évaluer dans quelle mesure les femmes autochtones sont victimes d'une forme de racisme systémique de la part des policiers, a convenu jeudi le ministre des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley.

Et si tel est le cas, il faut trouver les moyens de l'enrayer, a-t-il commenté en point de presse, après avoir lu le rapport de l'observatrice embauchée par Québec pour s'assurer que le Service de police de la ville de Montréal allait faire son travail en toute impartialité, en enquêtant sur les allégations d'agressions sexuelles déposées par des femmes autochtones de Val-d'Or contre six agents de la Sûreté du Québec.

L'observatrice, Me Fannie Lafontaine, a conclu que le travail des policiers de Montréal avait été accompli de façon intègre et impartiale. Mais elle a ajouté que ce type de problèmes pouvait avoir des racines profondes, et être causé par un racisme systémique envers les autochtones.

Selon Québec, de toute façon, la solution passe par la parole. Le gouvernement du Québec a donc réaffirmé jeudi sa proposition de créer une «table de travail», regroupant des Autochtones, des policiers et des représentants du gouvernement, pour voir comment on pourrait rétablir un climat de confiance entre les communautés autochtones et les policiers.

Une telle offre, présentée en novembre par Québec, avait été aussitôt refusée par les chefs autochtones.

«Il faut s'asseoir et trouver des solutions», a plaidé le ministre Kelley, lors d'une mêlée de presse, se disant convaincu «que le meilleur véhicule demeure une table de travail».

Son collègue de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a abondé dans le même sens.

L'important consiste à «rétablir les liens de confiance entre les corps de police et les communautés concernées», a ajouté M. Kelley.

Ce dernier a jugé «très préoccupant» le constat de Mme Lafontaine sur un possible racisme systémique qui serait à l'origine des relations tendues entre femmes autochtones et forces de l'ordre.

«C'est une question qui est très importante. Il faut l'évaluer», a-t-il dit.