La Cour suprême du Canada a adopté, vendredi, un nouveau cadre pour déterminer si un procès criminel a été retardé de manière déraisonnable.

Déplorant une complaisance à l'endroit de la «culture des délais», le plus haut tribunal a rejeté l'ancien cadre d'analyse pour déterminer le respect ou non du droit constitutionnel à être jugé dans un délai raisonnable.

L'article 11b de la Charte des droits et libertés garantit que «tout inculpé a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable».

Qualifiant l'ancienne méthode de «trop difficile à saisir et trop complexe», les juges ont fixé le nouveau plafond à 18 mois pour les procédures en cour provinciale et à 30 mois pour celles devant une cour supérieure. Le délai est calculé à partir du dépôt des accusations jusqu'à la conclusion du procès.

La Couronne pourra cependant réfuter qu'un délai a été déraisonnable en démontrant que des circonstances exceptionnelles ont causé un retard des procédures. Dans son arrêt, la Cour suprême a précisé que des circonstances exceptionnelles devaient être imprévues et inévitables, comme une maladie ou une procédure d'extradition.

Une autre exception s'applique dans le cas d'affaires «particulièrement complexes» - soit qui impliquent une preuve volumineuse, un grand nombre de témoins ou encore des exigences importantes quant aux avis d'experts.

Pour les causes présentement en cours, le plus haut tribunal a prévu comme mesure transitoire l'application flexible et «contextuelle» du nouveau cadre.

La Cour suprême a insisté sur l'importance «capitale» du droit d'être jugé dans un délai raisonnable pour l'administration du système de justice criminelle au pays.

«Un délai déraisonnable représente un déni de justice pour l'inculpé, les victimes, leurs familles et la population dans son ensemble, est-il dénoncé dans l'arrêt. Les procédures et ajournements inutiles de même que les pratiques inefficaces et la pénurie de ressources institutionnelles sont acceptés comme la norme et occasionnent des délais de plus en plus longs.»

La cour a souligné que les policiers, les tribunaux, les gouvernements et les avocats de la Couronne comme de la défense n'étaient pas encouragés par l'ancien cadre à «prendre des mesures préventives pour remédier aux pratiques inefficaces et au manque de ressources».

Néanmoins, certains juges sont plutôt d'avis que le nouveau plafond est imprudent et ils estiment qu'il pourrait mettre un terme à des milliers de poursuites.

Avec une faible majorité de cinq juges contre quatre, l'arrêt a invalidé les condamnations de Barrett Richard Jordan relativement à la possession et au trafic de drogues. Plus de 49 mois s'étaient écoulés entre le dépôt des accusations contre l'homme de Colombie-Britannique et sa déclaration de culpabilité.