Adil Charkaoui veut que les contribuables paient ses frais d'avocats dans le cadre de sa poursuite de 26 millions contre le gouvernement, mais il a demandé que l'affaire soit tenue secrète pour éviter d'attiser la « haine » et « l'intolérance » du public à son endroit, ce qui mettrait sa sécurité en péril, dit-il.

C'est ce que révèle une décision du juge de la Cour supérieure Louis Lacoursière, qui a rejeté la demande de confidentialité dans cette affaire, la semaine dernière.

Depuis 2010, Adil Charkaoui poursuit les autorités canadiennes et leur réclame 26 millions de dollars en dédommagement pour l'avoir détenu, puis forcé à porter un bracelet électronique parce qu'on le soupçonnait d'être un terroriste.

Mais il manque d'argent pour payer ses frais d'avocat. Dans des documents déposés à la cour, il explique être dépourvu des ressources nécessaires pour faire valoir ses droits. « Il allègue que les activités de financement organisées par l'intermédiaire de l'organisme Coalition justice pour Adil Charkaoui et d'autres levées de fonds n'ont donné que des résultats négligeables », résume le juge dans sa décision.

M. Charkaoui souligne aussi qu'à l'époque où il contestait le certificat de sécurité qui l'avait conduit en prison, l'État avait accepté de payer ses frais d'avocat. Il souhaite donc continuer de profiter du même genre d'arrangement et estime que les honoraires devraient s'élever à 750 000 $ pour sa poursuite en dommages.

Le prédicateur a toutefois demandé que sa requête et l'arrangement éventuel avec l'État demeurent confidentiels pendant six mois. Il explique que les allégations de terrorisme à son endroit ont créé « un climat de haine envers lui » au point de mettre sa vie en danger.

Il affirme que la situation a empiré en raison de la participation « alléguée » de jeunes Québécois au « djihad armé » en Syrie (La Presse a révélé que plusieurs jeunes qui sont partis ou voulaient partir en Syrie étaient liés au Centre communautaire islamique de l'Est de Montréal, dont M. Charkaoui est le président).

Caractéristique d'une société démocratique

Mais pour le juge Lacoursière, rien n'y fait : « La publicité des débats en justice est une caractéristique d'une société démocratique », écrit-il.

Le juge Lacoursière admet par ailleurs que M. Charkaoui a été la cible de quelques actes regrettables, notamment des menaces d'un individu à la santé mentale fragile et d'un groupuscule d'extrême droite.

Mais il se refuse à prononcer une ordonnance de confidentialité pour « gérer le risque, tout au plus hypothétique, que des individus marginaux de la société s'en prennent à [M. Charkaoui] parce qu'irrités par le fait qu'il demande à l'État de payer les honoraires de ses avocats ».

La question des honoraires des avocats sera donc tranchée sous peu et la décision pourra être dévoilée au public. Adil Charkaoui et son avocate n'ont pas répondu à la demande de commentaires de La Presse hier.