La police de Montréal et les responsables du restaurant Buonanotte ont conclu une entente qui pourrait faciliter la tâche des propriétaires d'établissement qui se plaignent depuis des années d'avoir le fardeau de refuser ou non des clients ayant des antécédents criminels ou étant liés au crime organisé.

Alors que l'audition de la cause du célèbre restaurant de la rue Saint-Laurent, convoqué notamment pour des actes de violence et la présence d'individus liés au crime organisé ou ayant des antécédents judiciaires parmi ses clients, devait débuter mardi matin devant la Régie des Alcools, des courses et des jeux, les parties ont annoncé que le SPVM fournira dorénavant une liste de clients qui ont des antécédents judiciaires et qui ne peuvent fréquenter les établissements licenciés aux responsables du Buonanotte qui devront, en contrepartie, leur en interdire l'accès.

«Depuis des années, le SPVM nous demande d'empêcher l'accès à certains clients criminalisés mais nous n'avions pas la légitimité et la force de le faire. Maintenant, nous avons quelque chose de clair», s'est réjouie Sandy White, de l'Association québécoise de la vie nocturne, qui représente 75 bars et restaurants de Montréal.

«L'entente ouvre la porte à un tout nouveau mode de communication entre les commerçants et les services de police. La responsabilité que les tenanciers de bars et de restaurants ont à l'égard de la présence de clients présumément associés à la criminalité dans leur établissement est, pour la première fois au Québec, définie dans des termes clairs qui les aideront grandement à travailler avec les policiers dans un esprit de collaboration», a renchéri, dans un communiqué, la Société de développement du boulevard Saint-Laurent, qui représente 600 commerçants.

À l'usure

Ce n'est pas la première fois que la police remet à des propriétaires d'établissements sanctionnés par la régie une liste de noms d'habitués auxquels ils doivent dorénavant interdire l'accès. Mais dans ce cas-ci, il s'agira d'une liste évolutive et plus large, contenant les noms de sujets criminalisés qui font déjà l'objet d'une ordonnance de la cour et qui ne pourront contester la décision.

À noter que beaucoup de criminels respectent leurs conditions et que cette entente n'empêchera pas des individus qui n'ont pas ou plus de conditions à respecter de fréquenter le Buonanotte. On verra avec le temps quel sera l'impact de l'entente. «On établit une nouvelle forme de relation avec le SPVM», dit Me Richard Phaneuf, l'avocat du Buonanotte, qui a négocié l'entente.

«C'est un premier pas. Il y a un problème de crime organisé à Montréal et nous aimerions ultimement que le gouvernement modifie la loi sur la Régie des alcools de façon à interdire l'accès de certains individus dans les bars et les restaurants, comme c'est le cas en Alberta. Pour nous ce serait la solution», croit Sandy White.

Fouilles et détecteurs de métal

En vertu de celle-ci, le Buonanotte accepte de voir ses permis d'alcool être suspendus durant 40 jours, à compter du moment où la police mettra la clé sur la porte.

Les propriétaires de l'établissement acceptent également se de plier à une série de mesures (voir plus bas), notamment de procéder à des fouilles aléatoires de ces clients, de fournir à ses portiers des détecteurs de métal portatifs, d'embaucher seulement des portiers qui ont leur permis du Bureau de la sécurité privée et de fournir les coordonnées de leurs portiers et gérants à la police de Montréal.

Ce n'est pas la première fois que le Buonanotte est convoqué devant la régie et c'est avec prudence que les régisseurs Me Jean Lepage et Jocelyne Caron ont entériné l'entente. Ils ont même invité l'enquêteur principal du SPVM au dossier présent dans la salle à dire ce qu'il en pensait. «On [la police] en veut plus, ils [les propriétaires] en veulent moins. On en est venu à une entente acceptable pour le SPVM. On souhaite que l'entente soit respectée et que ce soit le début de jours meilleurs dans les relations entre la police et les propriétaires», a répondu l'enquêteur Martin Brière.

Me Lepage a rappelé au représentant des propriétaires du Buonanotte présent dans la salle, Massimo Lecas, certains manquements survenus dans le passé et l'a prévenu que toute dérogation à ses engagements pourrait mener à une révocation des permis d'alcool. «Je ne veux plus vous revoir ici», a-t-il conclu.

Le Buonanotte s'engage aussi à :

-Collaborer avec le SPVM pour enrayer la violence dans son établissement

-Communiquer régulièrement avec le groupe Éclipse du SPVM spécialisé dans la surveillance des établissements licenciés le soir et la nuit

-Remettre volontairement les images captées par ses caméras en cas d'acte de violence

-Avoir le personnel suffisant pour assurer la sécurité de la clientèle et bloquer les clients indésirables