La bâtonnière du Québec Lu Chan Khuong s'est dite indignée que sa déclaration sous serment de nature confidentielle concernant une plainte pour vol à l'étalage ait été rendue publique dans La Presse, samedi. Elle demande à nouveau à la ministre de la Justice d'ordonner une enquête publique afin de faire la lumière sur ces « fuites » qui auraient pour auteurs des « gens mal intentionnés », selon elle.

Dans cette déclaration destinée à la Couronne et rédigée au printemps 2014, Me Khuong plaide l'inattention et explique avoir omis de payer deux jeans d'environ 230 $ pièce au Simons de Laval, payant plutôt une seconde fois deux jeans qui lui avaient coûté 9,99 $ chacun et qui avaient été achetés quelques jours plus tôt dans une autre boutique Simons.

Me Khuong a réagi à l'article de La Presse par voie de communiqué, samedi, mais a refusé de répondre à nos questions afin de respecter le processus judiciaire en cours, a précisé Christian Lévesque, de la firme de conseillers en stratégie Hatley. Me Khuong doit effectivement être entendue en Cour supérieure le 20 août prochain afin de contester sa suspension, le mois dernier, de ses fonctions de bâtonnière. La bâtonnière suspendue considère que cette fuite constitue une tentative de déstabilisation de ses adversaires politiques au sein du Barreau à quelques jours de cette audience.

« Aucun vol n'a été commis. Le vol est d'ailleurs défini à l'article 322 du Code criminel et il requiert une intention coupable, ce qui n'a jamais été le cas ici, a-t-elle tenu à réitérer dans le communiqué. Il s'agit d'une pure distraction et j'étais de la plus entière bonne foi. Il n'y a jamais eu le moindre soupçon d'intention coupable ici et je suis sidérée de constater qu'on y va de cette conclusion farfelue et sans fondement. » Elle souligne qu'il est « futile et diffamatoire » de conclure qu'un vol a été commis et dénonce la nature « biaisée et fantaisiste » de l'article de La Presse.

Après cette plainte pour vol, l'avocate avait reçu un avis de déjudiciarisation de la Couronne. Un tel avis est donné lorsque les procureurs détiennent assez de preuves pour déposer des accusations, mais que la gravité de l'infraction ne justifie pas la tenue d'un procès.

M. Christian Lévesque précise qu'il n'y a jamais eu de procès et donc que la bâtonnière n'a jamais été reconnue coupable dans ce dossier. Il ajoute que le programme de non-judiciarisation des infractions criminelles est par nature confidentiel.

« En 20 ans, il y a eu 100 000 cas de déjudiciarisation. Un seul cas a été porté à l'attention du public et c'est celui de Lu Chan Khuong », illustre-t-il.

M. Lévesque précise que Me Khuong ne rejette pas la teneur de la déclaration sous serment. Le problème, c'est que ces informations de nature privées ont été rendues publiques, a-t-il précisé.

La bâtonnière juge d'ailleurs que cette fuite d'information est une « coïncidence inquiétante », car elle survient quelques jours seulement après que des administrateurs du Barreau eurent publiquement demandé à la bâtonnière de fournir des explications sur cette affaire.