Il sera dorénavant impossible de prétexter l'ivresse comme défense lorsqu'on est accusé d'avoir provoqué un incendie criminel.

La Cour suprême du Canada s'est penchée sur le cas d'un Ontarien qui avait réussi à convaincre un juge de première instance et la Cour d'appel de l'Ontario de l'acquitter d'accusations d'incendie criminel.

Le plus haut tribunal ordonne la tenue d'un nouveau procès et la défense d'intoxication sans automatisme ne sera plus disponible pour l'homme.

Dans un jugement unanime, les juges de la Cour suprême arrivent à la conclusion que l'incendie criminel est une infraction d'intention générale, comme l'agression sexuelle, et non pas une infraction d'intention spécifique comme le meurtre. Or, on ne peut utiliser la défense d'intoxication sans automatisme dans les cas d'infractions d'intention générale.

Paul Francis Tatton a mis de l'huile dans une poêle, a allumé le rond de la cuisinière à la plus haute intensité, puis a quitté la résidence de son ex-conjointe pour aller s'acheter un café. À son retour, 20 minutes plus tard, la maison était en flammes. Avant d'aller chercher ce café, M. Tatton était dans un état d'ébriété avancé.

Le juge du procès «s'est posé la question de savoir s'il était convaincu que M. Tatton avait mis le feu dans la poêle à frire intentionnellement ou sans se soucier des conséquences de son geste», écrit le juge Michael Moldaver au nom des sept juges qui ont entendu la cause. Suivant le raisonnement du premier juge, M. Moldaver note que celui-ci en est venu à la conclusion qu'il devait tenir compte de l'état d'intoxication de M. Tatton. Et ça, de l'avis de la Cour suprême, c'est une erreur.

La Cour suprême note que le crime d'incendie criminel existe depuis de nombreuses années et les tribunaux l'ont parfois qualifié de crime d'intention générale, parfois d'intention spécifique. La cour tranche la question en statuant que sous sa forme à l'article 434 du Code criminel, l'infraction d'incendie criminel est une infraction d'intention générale.

«Le degré d'intention exigé dans le cas de cette infraction semble minime», écrit le juge Moldaver.

«J'ai peine à voir comment l'intoxication sans automatisme empêche un accusé de prévoir le risque de causer un dommage à la propriété d'autrui par le feu. Un raisonnement complexe n'est pas nécessaire pour reconnaître ce danger», souligne le juge Moldaver.