Des ingénieurs d'Uber à San Francisco auraient tenté de crypter à distance les données contenues dans les ordinateurs d'Uber Canada lors de la perquisition menée par Revenu Québec à Montréal la semaine dernière.

C'est ce qu'allègue Revenu Québec dans la dénonciation qui a été déposée devant le juge Jean-Pierre Braun la semaine dernière, et que La Presse a obtenue. Uber a tenté de contester cette affirmation devant le juge, mais n'en a pas eu l'occasion, apprend-on dans la demande d'injonction d'Uber également présentée en cour la semaine dernière.

Perquisition aux bureaux d'Uber Canada

Le 14 mai dernier, une quinzaine d'enquêteurs de Revenu Québec ont procédé à la perquisition de données informatiques aux bureaux administratifs d'Uber Canada, rue Notre-Dame. Les enquêteurs cherchent des preuves permettant de démontrer qu'Uber Canada viole la loi fiscale en ne percevant pas de TPS et de TVQ au nom de ses chauffeurs d'UberX.

Vers 10h40, un des enquêteurs a constaté que «des appareils mobiles tels que les ordinateurs portables, les téléphones intelligents et tablettes ont été redémarrés à distance» pendant la saisie. Une autre enquêteuse, qui exécutait un second mandat dans un autre bureau, a constaté exactement le même phénomène, également à 10h40. «Les systèmes informatiques ont été manipulés à distance, nous avons effectué une prise de contrôle des équipements informatiques en les mettant hors tension compte tenu de l'urgence et du risque très élevé de modification de données à distance», lit-on dans la dénonciation présentée au juge Jean-Pierre Braun.

Toujours selon la dénonciation, le directeur général d'Uber Montréal, Jean-Nicolas Guillemette, a dit un peu plus tard à un des enquêteurs «qu'il avait discuté avec les ingénieurs d'Uber Technologie San Francisco et que ces derniers avaient crypté les données à distance».

M. Guillemette n'a pas répondu à nos appels, hier. Uber a déposé vendredi dernier une demande d'injonction pour que toutes les données et tous les appareils saisis par Revenu Québec soient mis sous scellés jusqu'à ce que les tribunaux puissent se pencher sur le fond de l'affaire. Cette demande lui a été accordée lundi par le juge David R. Collier. D'ici là, Revenu Québec ne peut ni consulter ni analyser le contenu des ordinateurs.

Techniquement, des données qui auraient été cryptées ne sont pas altérées, mais modifiées de façon à les rendre illisibles sans mot de passe.

Guillemette pris en filature

Revenu Québec a saisi au total 74 téléphones cellulaires, 14 ordinateurs, des factures datant de 2014 et des contrats conclus avec des chauffeurs partenaires. L'agence tente de démontrer, avec les données saisies, qu'Uber Canada n'est pas «uniquement un intermédiaire entre le chauffeur et le client», mais bien un employeur, et qu'elle doit à ce titre percevoir les taxes.

La dénonciation révèle également que M. Guillemette a fait l'objet d'une filature le 13 mars dernier par les agents de «surveillance physique» de Revenu Québec. Ces derniers avaient pour mandat de confirmer que les bureaux d'Uber situés sur la rue Notre-Dame sont bien ceux d'Uber Canada inc. Ils l'ont donc suivi depuis sa résidence jusqu'à son lieu de travail.

Revenu Québec avait obtenu dans un premier temps un mandat lui permettant uniquement de récolter des données en faisant des copies de disques durs. Après avoir constaté le redémarrage des appareils, l'agence a fait élargir le mandat pour lui permettre de saisir également les appareils. Dans sa demande d'injonction, Uber s'est plainte de ne pas avoir pu présenter de témoin pour contester les pouvoirs du nouveau mandat de perquisition. «Ce témoin aurait déclaré [qu'Uber] n'a pas altéré ni même tenté d'altérer les données contenues sur ses ordinateurs», peut-on lire.