Un règlement ne peut être rétroactif. Le ministère québécois de l'Immigration est allé jusqu'en Cour supérieure pour se faire rappeler cette règle élémentaire et doit, d'ici deux semaines, décider s'il interjettera appel du verdict favorable à Tatiana Stasenko, une ressortissante d'origine russe vivant actuellement aux États-Unis.

En avril 2013, Mme Stasenko avait déposé une demande d'immigration au Québec, dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés, et déboursé les 910 $ exigés à l'ouverture de son dossier. Le 1er août 2013, sous le gouvernement Marois, le ministère de Diane De Courcy avait changé ses critères de sélection : désormais, une connaissance de base du français ou de l'anglais ne permettait plus au candidat d'obtenir les quelques points qu'elle lui valait dans le régime précédent.

Or des milliers de dossiers ouverts avant cette date avaient été rejetés sur cette base. Marie-Hélène Paradis, porte-parole de la ministre Kathleen Weil, reconnaissait hier ne pas avoir de chiffre exact. Pour MMartin Bouchard, procureur de la poursuite, les dossiers du Ministère comptaient 51 962 requêtes au 30 juin 2013, toutes susceptibles d'être touchées par l'action rétroactive du Ministère. Le Ministère avait, en mai 2013, retiré de son site web l'indication que la demande de certificat de sélection « sera[it] traitée selon la réglementation en vigueur au moment où vous la déposerez ».

La Cour supérieure a tranché contre le Ministère le 21 avril dernier, et Québec a 30 jours pour décider s'il interjetera appel de la décision, a rappelé l'attachée de presse.

Autres problèmes au ministère

Le verdict de la Cour supérieure n'est que le dernier d'une série de problèmes lancinants qui affectent le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

La mise en place d'une direction générale de la « transformation et des technologies de l'information », où a été nommée Odette Guertin, la conjointe du sous-ministre, Robert Baril, fait grincer des dents du côté des employés, même si cette nomination a été entérinée par un trio comptant deux personnes en provenance de l'extérieur du ministère.

L'an dernier, le Ministère a envoyé un cadre avec toute sa famille à Mexico, essentiellement pour fermer le bureau. Depuis des mois, le bureau mexicain ne reçoit plus de nouvelles demandes, il s'agissait donc de vider les classeurs. Ghislain Beaudin et sa famille ne rentreront pourtant au Québec que cet été.  De plus, un autre cadre a été nommé pour le bureau de l'immigration à Paris, qui ne compte que quatre employés.

Plus fondamentalement, la décision du Ministère de confier à des techniciens la réception des dossiers pour les demandes d'immigration de travailleurs qualifiés cause un malaise. Ces derniers ont le mandat de réexpédier le dossier à l'expéditeur comme étant incomplet, dès qu'il manque une pièce, aussi secondaire soit-elle. Mme Paradis convient que la somme versée pour l'ouverture des dossiers - de 800 à 900 $ par personne - n'est pas remboursée au requérant.