Le notaire lavallois Martial Lavoie a mené une poursuite-bâillon à l'endroit de Dominique Vadeboncoeur, a conclu la Cour supérieure dans un jugement rendu à la fin de mars. La Presse, son propriétaire Gesca et le journaliste Francis Vailles sont aussi visés par la requête en diffamation de Me Lavoie.

Dans cette affaire, M. Vadeboncoeur avait transmis des informations concernant le notaire Lavoie au journaliste de La Presse.

Les articles parus en novembre 2012 mettaient en lumière le double rôle du juriste dans certaines transactions immobilières à Laval. Il arrivait à Me Lavoie d'agir à la fois comme notaire instrumentant et comme prêteur hypothécaire.

Après la parution des articles, Me Lavoie a poursuivi le journal, le journaliste et la source d'information du journaliste pour diffamation.

Le jugement pourrait faire jurisprudence en droit des médias, puisqu'il met les sources journalistiques à l'abri de poursuites abusives.

Ce n'était pas la première fois que Me Lavoie portait deux chapeaux à la fois. En février 2009, Dominique Vadeboncoeur avait déposé une plainte au syndic de la Chambre des notaires relativement à des agissements semblables commis par Me Lavoie, cette fois, dans un projet immobilier à Piedmont, dans les Laurentides.

À la suite de son enquête, le syndic avait averti le notaire de cesser de recevoir des actes où il y a un intérêt dans l'une des parties à la transaction.

À la Chambre des notaires, on ne pouvait rien dire sur le dossier disciplinaire du notaire Martial Lavoie, sinon qu'il n'y a pas d'audience de prévue devant le Conseil de discipline.

Me Lavoie devra rembourser plus de 50 000$

M. Lavoie a intenté un recours contre La Presse et M. Vailles en mai 2013 pour atteinte à sa réputation. Il a ajouté M. Vadeboncoeur à titre de défendeur le 10 juillet 2013, réclamant à ce dernier 200 000 $ à titre de dommages.

M. Vadeboncoeur a répliqué en déposant le 5 juin 2014 une requête en déclaration d'abus de la demande et en dommages.

La juge Suzanne Courchesne lui a donné raison le 23 mars dernier en déclarant la requête du notaire Lavoie abusive. « Le tribunal retient de son analyse [...] que ce recours est motivé par la volonté de faire taire M. Vadeboncoeur. Il s'agit précisément du type de comportement que visait à contrer le législateur par l'adoption des articles 54.1 et suivants C.p.c. », écrit la magistrate. Ces articles ont été ajoutés au Code en juin 2009 pour éviter les poursuites-bâillons ou SLAPP (Strategic Lawsuit against Public Participation).

La juge rejette donc la requête pour atteinte à la réputation qu'elle déclare abusive. Elle condamne Me Lavoie à rembourser les frais d'avocats de M. Vadeboncoeur d'un montant de 50 600 $.

La procureure de Martial Lavoie, Me Sophie Dormeau, a indiqué que son client allait interjeter appel de la décision. La procureure de M. Vadeboncoeur, Me Sarah Simard, a préféré ne pas commenter.

La poursuite de Me Lavoie contre La Presse et son journaliste suit son cours, par ailleurs. Le notaire ne réclame pas de dommages, mais la délivrance de certaines ordonnances visant notamment le retrait des articles de novembre 2012 du site LaPresse.ca.

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Note : Une version précédente de l'article affirmait que le notaire Martial Lavoie avait joué un double rôle dans des transactions concernant la tour de condos du chemin des Cageux, à Laval. Or, ce double rôle a plutôt été constaté sur d'autres immeubles à Laval, selon une enquête de La Presse publiée en novembre 2012.