C'était il y a presque un an. Armé d'un marteau et visiblement en état de crise, Alain Magloire, 41 ans, est tombé sous les balles d'un policier, rue Berri. Il était 10h58. Que s'est-il passé dans les minutes qui ont précédé l'intervention policière et son issue fatale? La mort de ce sans-abri, père de deux filles, était-elle évitable, et comment?

L'enquête publique pilotée par le coroner Luc Malouin, qui a débuté hier, a pour objectif d'apporter des réponses et d'éclaircir les circonstances de ce drame. Pour ce faire, on dressera le fil des événements, minute après minute, en passant au peigne fin chaque détail composant cette matinée du 3 février 2014.

S'il vivait dans la rue, Alain Magloire séjournait occasionnellement à l'hôtel Central, rue Saint-Hubert, où la cuisine et la salle de bains sont communes. Il occupait une chambre depuis le 31 janvier, réservée jusqu'au 5 février. «Il était connu ici. Il n'avait jamais fait de drame avant. Il était parfois étrange, mais on n'avait pas de note à son dossier», a témoigné hier en salle d'audience Alexandre Witter, commis de l'hôtel. Rien ne laissait présager, en ce matin du 3 février, cette soudaine agressivité chez Alain Magloire.

À 9h50, M. Magloire a cogné sur la porte de la salle de bains avec un marteau, selon plusieurs témoins. Il se serait impatienté en voyant que l'endroit était occupé. Après, il s'est rendu à la cuisine pour se préparer à manger et il a échangé avec d'autres clients. Une dispute a éclaté au sujet de l'incident du marteau et il a lancé une cuillère en bois.

Client agressif

Alexandre Witter a dit avoir tenté de calmer la situation. «Pourquoi as-tu besoin d'un marteau? lui a-t-il demandé à plusieurs reprises. Tu veux une autre chambre?» M. Magloire aurait alors été intimidant et agressif envers le commis et l'aurait poussé légèrement, selon le témoignage entendu. «Es-tu content de ta vie? Vas-tu continuer comme ça?», lui aurait demandé M. Magloire en élevant la voix, sans crier. Le client a dit vouloir quitter l'hôtel sur-le-champ et exigeait le remboursement de son acompte de 50$. «Je lui ai dit qu'on pourrait en discuter à l'arrivée des policiers.» M. Magloire est allé chercher ses effets personnels dans sa chambre, dont deux sacs à dos et son marteau. Alexandre Witter a alors composé le 911 une première fois:

«J'appelle de l'hôtel Central, au comptoir de réception. On a un client ici qui est très agressif et qui représente un danger pour les clients et le personnel. Il ne partira pas tant qu'il ne sera pas remboursé. Il a fracassé une porte avec un marteau.» «Il a un marteau dans ses mains?», demande la dame au bout du fil. «Non, il en avait un dans la chambre. Il a fracassé une porte. Il m'a affronté. J'ai dit que je vous appellerais. Il était d'accord.» (Traduction libre de l'anglais.)

Deux minutes plus tard, Alain Magloire se présentait au comptoir de la réception. Devant le refus des employés de lui remettre son dépôt, il a fait voler en éclats la vitre de la réception ainsi qu'une vitrine en façade avant de partir.

Alexandre Witter a poursuivi le suspect sur un quadrilatère jusqu'à proximité du lieu de la fusillade. À un moment, M. Magloire s'est retourné vers M. Witter en brandissant son marteau, si bien que ce dernier a eu peur et s'est mis à courir. Il a repris sa poursuite à plus grande distance. M. Witter a appelé une seconde fois au 911 et il a indiqué les déplacements du suspect. Il s'est exclamé: «Oh! Il est en train de brandir son marteau vers eux!» (Traduction libre de l'anglais).

Aujourd'hui, des policiers impliqués défileront devant le coroner alors que l'intervention policière sera passée à la loupe.

Les témoignages afin de reconstituer les faits entourant la mort d'Alain Magloire se succéderont ainsi jusqu'au 22 janvier inclusivement. Dès le 9 mars, et ce, pour au moins trois semaines, le coroner Malouin se penchera sur le profil médical et psychologique de la victime, de même que sur les soins qui lui ont été prodigués. On entendra alors des intervenants qui ont travaillé auprès de lui. S'il y a lieu, le coroner formulera des recommandations afin de réduire les risques lors de situations d'urgence auprès de personnes souffrant de troubles mentaux.

Famille présente

La famille assiste aux audiences. «On veut que des événements comme celui-là ne se reproduisent pas, a déclaré Pierre Magloire, le frère de la victime. En tant qu'êtres humains, on a la responsabilité de prendre soin de nos malades et c'est ce qu'on ne fait absolument pas. [...] Il y a une problématique, faisons en sorte de nous réveiller.»