D'anciens juges de la Cour suprême du Canada plaident pour qu'un nouveau processus soit créé pour choisir les prochains magistrats qui siégeront au plus haut tribunal du pays.

Cinq ex-juges contactés par La Presse au cours des dernières semaines se sont montrés divisés sur la nécessité d'instaurer un nouveau mécanisme.

Mais au moins deux d'entre eux y sont favorables: Louis LeBel, qui prend sa retraite demain, et Michel Bastarache, qui a présidé la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges du Québec en 2010.

«Au point où nous en sommes, en tenant compte de la fonction d'arbitrage constitutionnel de la Cour suprême du Canada, mon opinion serait très fermement que oui, a convenu le juge LeBel en entrevue. Le défi, évidemment, serait d'établir les modalités de ce système.»

Son ancien collègue Michel Bastarache, qui a siégé à la Cour de 1997 à 2008, a abondé dans le même sens. «Oui, il serait très utile d'avoir un processus plus formel, parce que même s'il y a beaucoup de consultations, on n'est pas nécessairement informés de ces consultations et on n'est pas certains qu'elles doivent être faites dans tous les cas.»

Marie Deschamps a été plus prudente, mais a laissé entendre que des changements pourraient s'imposer. «Ce n'est pas un sujet sur lequel j'aime commenter, a-t-elle dit. Mais [...] le processus doit être de nature à inspirer la confiance dans l'indépendance des juges. Peu importe le processus, c'est l'objectif à atteindre. Et ce que je perçois, c'est que cette confiance-là dans l'indépendance est en train d'être ébranlée. Et je trouve ça dramatique.»

Débat relancé

Le débat sur le processus de sélection des juges à la Cour suprême est relancé au Canada: les deux derniers candidats, tous deux du Québec, ont été nommés sans passer par le processus parlementaire utilisé pour la première fois en 2006 pour la nomination du juge Marshall Rothstein.

Le ministère de la Justice a annoncé qu'il étudie ses options depuis que des fuites sont survenues dans la foulée de la nomination avortée du juge Marc Nadon.

En comité parlementaire cette semaine, le ministre de la Justice, Peter MacKay, a indiqué qu'il n'y aura pas de participation parlementaire tant et aussi longtemps que le gouvernement ne pourra assurer l'intégrité du processus.

À noter que les juges contactés ne réagissaient pas à la nomination de Suzanne Côté pour succéder à Louis LeBel. Certaines entrevues ont été menées avant l'annonce.

Pour deux d'entre eux, d'ailleurs, cette consultation parlementaire n'est pas essentielle. «Je préfère une enquête exhaustive par le ministère de la Justice dans la région où l'avocat a passé sa carrière, et ensuite je laisserais le soin au premier ministre de le nommer. Je ne vois pas de valeur ajoutée à avoir le Parlement qui questionne la personne qui a été choisie», a déclaré John Major, à qui le juge Marshall Rothstein a succédé.

Claire L'Heureux-Dubé a indiqué qu'elle n'a pas changé d'avis depuis la dernière fois où le débat a fait rage, il y a 10 ans. «À l'époque, j'étais d'avis, et je le suis toujours, que le système de nominations à la Cour suprême était l'apanage du premier ministre et qu'à cette date, à tout le moins, le système était satisfaisant», a-t-elle écrit par courriel.

«Par ailleurs, si on devait changer le système, il y aurait lieu de nommer une commission indépendante pour un terme de 10 ans non renouvelable composée de membres de la magistrature, du Barreau canadien, du juge en chef de la province d'où le juge à nommer et de membres informés du public», a ajouté l'ancienne juge.

Autres pistes de solution

Louis LeBel et Michel Bastarache ont offert quelques pistes de solution. Le juge LeBel a cité les exemples de la France, de l'Allemagne et des États-Unis. «Dans la normale des choses, à l'égard des plus hautes juridictions des pays démocratiques modèles, il y a un système d'examen, je ne dirais pas nécessairement public, mais un système qui fait appel à des procédures de consultation, d'examen et de discussion des candidatures plus ouvert que celui que nous connaissons, et qui me paraît refléter une perception de l'importance du rôle d'une cour suprême», a-t-il noté.

Michel Bastarache favorise pour sa part un processus bien encadré et aux critères établis. «Qui est consulté? Quel genre de qualification on veut? Par exemple, est-ce qu'on cherche les besoins de la Cour? Ou cherche-t-on une représentation régionale? Comment pondère-t-on les différents critères pour les nominations? Quelle est l'importance que l'on donne au juge en chef ou au procureur général de la province intéressée? Ce sont ces considérations-là qui me paraissent plus importantes.»