Le juge de la Cour fédérale Robert Mainville a été nommé à la Cour d'appel du Québec parce qu'il y a demandé son transfert, a déclaré Stephen Harper mardi, justifiant avec cette phrase ce que l'opposition qualifie de manoeuvre visant à contourner les règles.

Le premier ministre rejette du revers de la main les accusations de l'opposition qui prétend que la nomination de ce juge de la Cour fédérale n'est qu'un prélude pour ensuite lui permettre d'accéder à la Cour suprême.

Ce qui est interdit par la Constitution, a récemment tranché la Cour suprême du Canada.

M. Harper accuse à son tour les partis d'opposition de voir des théories de complot partout.

De plus, il n'y a pas de siège actuellement vacant à la Cour suprême, dit-il, faisant abstraction du fait que le juge québécois Louis LeBel a déjà annoncé qu'il prendra sa retraite à l'automne.

«Et il n'y a pas de processus pour choisir un remplacement pour un poste vacant éventuel», ajoute-t-il.

«Comme j'ai dit à plusieurs reprises, on va respecter la lettre et l'esprit du jugement de la Cour suprême.»

La Cour suprême du Canada a établi en mars qu'un juge de la Cour fédérale n'est pas admissible à siéger sur son banc pour y occuper l'une des trois places réservées au Québec. La nomination du juge Marc Nadon avait donc été annulée, dans la controverse.

Le plus haut tribunal canadien avait indiqué que seuls les juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel du Québec étaient admissibles. Ou encore des membres du Barreau du Québec depuis au moins 10 ans.

L'opposition croit que le gouvernement conservateur tente maintenant de contourner le jugement de la Cour suprême dans la cause Nadon, en nommant le juge Mainville à la Cour d'appel pour légitimer son accession à la Cour suprême.

Ces soupçons sont alimentés de plus par la courte liste de remplaçants potentiels pour le juge LeBel à la Cour suprême, qui a été publiée dans le journal Globe and Mail. Le nom de Robert Mainville y figure.

Et lundi, aux Communes, le ministre de la Justice, Peter MacKay, a dit que les compétences du juge Mainville seraient les bienvenues à la Cour suprême et aussi à la Cour d'appel. Il a par la suite tenté de rectifier ses propos - et de réfuter qu'il était envisagé de le nommer à la Cour suprême - en disant que la Cour d'appel est la «Cour suprême» pour la province de Québec. Une formulation inhabituelle que le premier ministre a reprise mardi, peut-être pour cacher le faux pas de son ministre.

Questionné par le chef néo-démocrate Thomas Mulcair, M. Harper a évité de confirmer qu'il n'allait pas éventuellement nommer Robert Mainville à la Cour suprême.

«Pourquoi le premier ministre a-t-il commencé la guerre avec la Cour suprême? Qu'est-ce qui peut être accompli avec cela?» lui a-t-il demandé.

Une contestation judiciaire du choix de Robert Mainville a déjà été déposée.

Rocco Galati, le même avocat qui avait demandé à la Cour fédérale d'annuler la nomination de Marc Nadon, a déposé une demande lundi pour faire invalider celle du juge Mainville.

Me Galati soutient que la Constitution prévoit que les juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel doivent être «choisis parmi les membres du Barreau de cette province» et pas parmi les juges siégeant à la Cour fédérale.