À l'automne 2011, le Québec est encore ébranlé par le procès de Guy Turcotte et le verdict de non-responsabilité criminelle prononcé au mois de juillet. Le gouvernement libéral décide alors de mettre sur pied un comité d'experts pour étudier les homicides intrafamiliaux et formuler des recommandations. Le rapport a été remis en novembre 2012. S'il n'a pas été tabletté, les changements prennent toutefois du temps à se mettre en place. Pour en savoir plus, La Presse s'est entretenue avec le président de ce comité: Gilles Tremblay, professeur à l'École de service social de l'Université Laval.

Y a-t-il une augmentation du nombre de filicides (homicide d'un enfant par un parent) au Québec?

Il y a moins d'homicides intrafamiliaux qu'avant, 30% de moins depuis 30 ans, mais la situation du filicide est plus ambiguë. Ça diminue de façon générale, sauf depuis 2011 où il y a une légère remontée. Les cas ont été médiatisés, et on peut penser que ça a une certaine influence, mais on ne le sait pas. Il faudra suivre ça les prochaines années pour voir si la tendance s'affirme.

Vous aviez formulé des recommandations au gouvernement. Quelles améliorations constatez-vous? Le rapport a-t-il été tabletté?

Il n'a pas été tabletté. Il y a déjà un certain nombre de choses qui ont été mises en place. Ce ne sont pas des avancées rapides, mais ça avance à rythme normal. Ça ne se fait pas du jour au lendemain.

On travaille pour améliorer les formations des personnes du service du droit d'accès, c'est-à-dire celles qui assistent aux visites surveillées d'un parent avec son enfant dans les cas de divorces conflictuels. Il y a des guides d'intervention qui devraient sortir sous peu pour les intervenants sociaux et les services de crise afin de mieux dépister des situations.

L'ancien ministre Réjean Hébert avait aussi annoncé 660 000$ pour les services offerts aux conjoints au comportement violent et 500 000$ pour consolider les ressources pour hommes en détresse [au moment où le rapport avait été rendu public en 2012]. L'homme est l'auteur des homicides familiaux dans plus de 80% des cas [dans le cas du filicide, cette proportion est plutôt de 60% ].

Quel travail reste-t-il encore à faire?

On a davantage de difficulté à faire le suivi et l'analyse de chacune des situations avec le Bureau du coroner. On recommandait de créer un comité d'experts multidisciplinaires pour évaluer chaque drame et comprendre les failles, comment on aurait pu intervenir. C'est un peu compliqué, car le système du Bureau du coroner n'est pas centralisé. On compte des bureaux régionaux qui ont leurs propres mécanismes, et ça relève d'un autre ministère [Sécurité publique], donc c'est plus compliqué à appliquer.

Des indices importants

Les indices qui doivent être pris en considération dans la prévention du filicide et du familicide:

• L'accumulation de plusieurs facteurs de risque, dont le fait de vivre seul ou avec ses enfants sans conjoint

• La possession d'une arme à feu

• Une séparation récente ou anticipée

• La profération de menacesd'homicide ou de suicide, la présence de symptômes dépressifs