Un juge a utilisé 37 000$ en fonds publics pour se défendre dans le cadre d'une plainte disciplinaire, alors qu'il plaide lui-même que les faits reprochés relèvent strictement de sa vie privée, a appris La Presse.

Depuis un an, Guy Gagnon fait l'objet d'une enquête pour des placements financiers douteux de presque un demi-million de dollars. On le soupçonne d'avoir poursuivi des activités «incompatibles [...] avec l'exercice de ses fonctions».

Ce vice-président du Tribunal administratif du Québec (TAQ) a retenu les services d'un avocat réputé - Louis Masson - rémunéré 275$ l'heure pour mener son dossier.

Le TAQ dit avoir l'obligation de payer la défense de tout membre qui se retrouve devant la justice disciplinaire, même si les faits qu'on lui reproche n'ont aucun lien avec sa fonction.

Les 36 909$ versés jusqu'à maintenant ne constituent qu'une partie de la facture, estimée à 100 000$ dans un registre, que le Trésor public devra prendre en charge. Le Conseil de la justice administrative (CJA) - le comité de discipline des juges administratifs - vient tout juste de finir d'étudier les requêtes préliminaires dans ce dossier et l'équipe de M. Gagnon conteste l'issue de l'une d'elles en Cour supérieure.

Il y a une dizaine d'années, Guy Gagnon a investi près de 500 000$ et perdu sa mise.

Obligation d'effectuer des placements en argent comptant, rendements annuels garantis de 100% et absence totale de documentation: les indices qui auraient dû lui mettre la puce à l'oreille étaient très nombreux, a estimé un tribunal qui s'est penché sur la situation fin 2012. La juge lui a d'ailleurs attribué 50% des responsabilités dans la disparition du magot.

Peu après que La Presse eut révélé l'affaire, la présidente du TAQ a déposé une plainte disciplinaire contre Guy Gagnon.

Pas le choix de payer

À présent, le Tribunal assure qu'il n'a pas le choix de payer la facture de son juge.

«Si un membre du Tribunal fait l'objet d'une plainte devant le Conseil de la justice administrative [...], le TAQ est tenu en vertu de principes jurisprudentiels découlant de l'indépendance du membre du TAQ d'assumer les honoraires du procureur retenu pour assurer sa défense», a écrit Gisèle Pagé, la directrice générale des services à l'organisation de l'organisme dans un courriel à La Presse.