Quatorze enfants du groupe fondamentaliste juif Lev Tahor devraient être immédiatement placés en famille d'accueil, être soumis à des examens médicaux et ne plus pouvoir voyager ni communiquer avec les autres membres de leur communauté - toujours en fuite en Ontario.

C'est ce qu'ont demandé ce matin la DPJ des Laurentides et les avocats des enfants, lors d'une audience en chambre de la jeunesse, au palais de justice de Saint-Jérôme.

Les familles visées sont restées en Ontario avec leurs enfants, sous prétexte qu'elles comptent contester les procédures québécoises en appel.

Le juge Pierre Hamel, qui leur avait déjà ordonné à plusieurs reprises de se présenter en cour, a choisi de procéder de toute façon. « Il s'agit d'une fuite pour se soustraire à la juridiction de la Cour plutôt qu'un réel déménagement », a-t-il justifié. Face à la gravité des allégations, dit-il, il faut protéger les droits des enfants et imposer les mesures requises le plus rapidement possible.

En avant-midi, un ancien membre de Lev Tahor - le seul à avoir quitté le groupe en compagnie de sa femme- a raconté ses deux années passées à Sainte-Agathe-des-Monts.

L'homme de 28 ans dit qu'il avait reçu l'ordre de frapper des garçons avec des cintres de métal ou de les gifler parce qu'ils étaient turbulents. « Dans chaque classe des plus jeunes, on gardait un bâton de bois pour frapper les élèves», a-t-il précisé.

À de nombreuses reprises, sa femme et lui ont aussi dû héberger les enfants d'autres familles, retirés à leurs parents parce que quelqu'un avait désobéi aux enseignements du rabbin. « Un garçon de quatre ans criait et pleurait tout le long du chemin », dit l'homme, qui vit à Montréal depuis son départ, il y a deux ans.

Quand sa propre femme est tombée enceinte, on lui a rappelé de bien obéir, dit-il, en la menaçant de trouver tout de suite une autre famille pour son futur bébé. On avait déjà privé la jeune femme de contacts avec ses parents parce qu'elle s'était promenée en chaussettes dans son appartement sans enfiler ses souliers, alors qu'aucune femme n'a le droit d'avoir les pieds nus. C'est sa soeur qui l'avait dénoncée. « Tous les membres du groupe étaient encouragés à s'épier les uns les autres », rapporte le témoin.

Le rabbin et leader Schlomo Helbrans menaçait aussi les désobéissants d'être punis par Dieu, ajoute-t-il. Il aurait notamment qualifié de châtiment divin la mort d'un bébé, qui a sans doute suffoqué en dormant une nuit dans le lit de sa soeur.

Les garçons recevaient une éducation exclusivement religieuse, dit-il. Mais les filles apprenaient quelques rudiments de mathématiques et d'anglais pour pouvoir tenir un foyer.

Quand les doutes ont assailli cet homme, il a décidé de quitter le groupe. Les dirigeants l'ont appris et lui ont « retiré »sa femme, a-t-il raconté. Pour se retrouver, longtemps après, les deux époux ont dû s'engager par écrit à obéir de façon absolue au leader et à ne plus critiquer quoi que ce soit. Malgré tout, ils ne pouvaient plus se voir plus d'une heure et demie par jour. 

Suite à ces événements - et sans jamais consulter de médecin -, le rabbin aurait décrété que l'homme insatisfait souffrait d'un « trouble de la personnalité limite parce qu'il interprétait négativement des choses positives ». L'homme dit avoir été forcé à suivre les enseignements d'un juif orthodoxe new-yorkais par téléphone. « D'autres membres ont reçu le même diagnostic et ont été forcés de prendre des médicaments psychiatriques », dit-il. 

Son témoignage se poursuit cet après-midi.