Récemment nommé directeur du Service de police de Laval par le responsable de la tutelle de la Ville, Florent Gagné, l'ancien numéro deux du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Pierre Brochet a prêté serment jeudi, plus d'une semaine après sa réelle entrée en fonction. La Presse l'a rencontré.

Pierre Brochet entame son règne dans une ville sous tutelle gouvernementale après des décennies au cours desquelles des élus, des fonctionnaires municipaux et des entrepreneurs auraient exploité un système de corruption sans la moindre inquiétude. Son prédécesseur, Jean-Pierre Gariépy, qui habitait dans le même immeuble de condos que le maire Gilles Vaillancourt, s'est parfois fait reprocher l'inaction de ses troupes dans le dossier.

«Quand j'ai pris la décision de venir à Laval, c'était pour contribuer à la reconstruction de la ville. Je veux être un acteur-clé du changement. Je ne veux pas, dans cinq ou six ans, que l'on recommence à voir des frappes policières en ville. Mon rôle pour Laval ne se limitera pas à mon rôle dans la police. Nous sommes en train de réfléchir à une stratégie pour y arriver. Je n'ai pas ici le niveau d'enquête requis pour les dossiers impliquant des fonctionnaires et de la corruption, seule la Sûreté du Québec (SQ) l'a. On peut par contre parler gestion de risque et prévention. Nous allons aussi, s'il le faut, collaborer avec nos partenaires, la SQ et l'Unité permanente anticorruption (UPAC), en leur transmettant des informations», promet le nouveau directeur.

Certains policiers croient que le fait qu'il ne provient pas de l'organisation lavalloise et qu'il ait été nommé par le directeur de la tutelle et non par un maire l'éloigne de toute possibilité de copinage avec le conseil municipal qui sera élu en novembre.

La mafia

Plusieurs des mafieux qui font les manchettes depuis l'opération Colisée, en 2006, résident à Laval. Depuis quelque temps, le parrain lui-même, Vito Rizzuto, y habite, dans le quartier Sainte-Dorothée, ainsi que plusieurs membres de sa famille.

«Les policiers me rapportent que les citoyens sont inquiets. Personne ne veut avoir le chef de la mafia italienne comme voisin. Ça va nous demander de créer un plan de match tant sur le plan des enquêtes que du renseignement. Ce qu'on entend, en ce qui concerne les services de renseignement, c'est que les gens du crime organisé se sentent moins surveillés ici, alors qu'à Montréal, l'escouade Éclipse les suit partout. Il n'est pas question que Laval devienne une terre d'accueil pour eux. On ne tolérera pas de recrudescence. Je n'accepterai pas que Laval devienne un lieu d'affrontement», martèle Pierre Brochet. Sans vouloir préciser ce qui est fait actuellement, pour des raisons stratégiques, Pierre Brochet assure que les criminels lavallois sont surveillés.

Éclipse, version Laval, ou escouade régionale mixte?

«[À Montréal], l'escouade Éclipse occupe le terrain de jeu des criminels. C'est clair que la formule est intéressante. On va voir ce qu'on va faire ici. C'est bien, d'avoir des enquêteurs, mais avoir un bras sur le terrain pour montrer aux criminels qu'on est constamment là, ça a une plus-value», croit le directeur.

Il ne veut pas parler d'une version lavalloise de l'escouade Éclipse pour l'instant, et se rabat sur la création prochaine d'une nouvelle escouade régionale mixte Laval, en partenariat avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et la Sûreté du Québec, et qui aura ses bureaux au quartier général de la police de Laval.

«À Montréal, mes fonctions me plaçaient comme responsable des enquêtes et de la gendarmerie. Les enquêteurs de Place Versailles étaient sous ma responsabilité. Nous avons établi des liens très fort avec la SQ et la GRC, nous avons mis en place l'Escouade régionale mixte Montréal pour nous attaquer au problème. Le crime organisé, ça se travaille en équipe quand les enjeux dépassent notre capacité", souligne-t-il.

Son passage au SPVM

Fils de l'ex-chef de police de New Richmond, en Gaspésie, père de deux jeunes policiers, il a gravi les échelons à la police de Montréal jusqu'à sa nomination en 1997 comme commandant des postes de quartier 35 (Petite-Patrie), 7 (Saint-Laurent), 16 (Verdun) puis 20 (Centre-ville). En 2010, il a posé sa candidature au poste de directeur du SPVM qui a finalement été attribué à Marc Parent, qui a fait de lui son adjoint. «Mon intérêt à devenir directeur a toujours été présent», affirme-t-il pour expliquer les démarches qui l'on amené à Laval.

Son règne comme numéro deux du SPVM a surtout été marqué par les manifestations étudiantes de 2012.

«Le conflit étudiant est devenu un conflit social. Le SPVM était pris dans un conflit politique. Nous devions nous positionner dans tout ça tout en respectant les enjeux. Nous avons été critiqués, mais ça n'a pas influencé ma décision de quitter le SPVM. Ça faisait partie du défi. La situation était difficile, mais pour un gestionnaire, c'était une situation intéressante», analyse-t-il.