L'évasion à la prison de Saint-Jérôme en fait foi, la pression monte derrière les barreaux. Frustrés et tendus à cause des problèmes de surpopulation, les détenus multiplient les coups d'éclat aussi violents que dangereux. Des photos inédites de l'émeute à la prison de Hull en février dernier, où 16 prisonniers ont littéralement démoli l'aile à sécurité maximale, montrent bien l'ampleur de la situation. Les centres de détention sont devenus de véritables poudrières.

«Chaque 24 heures est rendu un défi pour nous.» Stéphane Lemaire, président du Syndicat des agents de la paix du Québec, est formel. Il faut agir, et vite dans les prisons de la province.

Derrière les barreaux, les événements violents se sont succédé au cours des dernières semaines. Il y a eu un soulèvement à la prison de Saint-Jérôme, puis un autre à Sherbrooke. Sans oublier l'émeute destructrice à l'aile à sécurité maximale de la prison de Hull, dont La Presse vient d'obtenir des photos inédites. On y voit pour la première fois l'ampleur des dégâts causés par les 16 détenus qui ont pris possession d'un secteur entier durant huit heures dans une ultime tentative d'éviter le transfert de certains d'entre eux vers d'autres établissements.

Les images montrent des murs troués d'une cellule à l'autre. Le sol est couvert de débris de plâtre et de briques, de déchets, de nourriture et de papier hygiénique. Des portes sont à moitié arrachées et pendouillent sur leurs gonds. Des ventilateurs brisés traînent par terre à côté de draps sales, de morceaux de verre, de dossiers de chaises arrachés et de téléviseurs brisés.

Dans la foulée de l'événement, qui a provoqué la fermeture de l'aile, les autorités ont estimé les dommages à plusieurs milliers de dollars. Hier, le ministère de la Sécurité publique a parlé de 23 000$.

Tout ça, selon le syndicat, en partie à cause des tensions engendrées par la surpopulation dans les prisons provinciales, dont plusieurs débordent. Même histoire pour la spectaculaire évasion en hélicoptère de deux détenus de la prison de Saint-Jérôme, dimanche. D'ailleurs, sur les ondes du 98,5 où il a parlé durant sa cavale, le détenu Benjamin Hudon-Barbeau, 36 ans, s'est plaint de ses conditions de détention. «Les traitements qu'ils nous font, ça n'a pas de bon sens», a-t-il dit.

«Les détenus manquent d'espace et ça amène des problèmes, dénonce Stéphane Lemaire. Des débordements, il y en a.» C'est prévisible, dit-il. Surtout dans un contexte où «des jeunes de 18 ou 19 ans sont mêlés à des criminels de carrière par manque de place». «Des rivaux se retrouvent dans le même secteur. C'est sûr qu'il y a des tensions et des batailles. À l'extérieur, ils ne se promènent pas sur le même trottoir, mais ici, oui.»

Québec a beau avoir annoncé la construction de quatre nouvelles prisons, une projection du ministère de la Sécurité publique basée sur les impacts de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (C-10), qui impose des peines plus sévères pour les trafiquants de drogue, les agresseurs sexuels et les jeunes contrevenants, prévoit tout de même qu'il manquera 1884 places d'ici 2020.

«Il est temps de mettre plus de sécurité en attendant de trouver d'autres solutions, croit le président du syndicat. On est frustrés. On manque d'appuis. Il faut que le ministre se montre rassurant.»

Il propose par exemple l'ajout d'un patrouilleur dans le secteur de la prison de Saint-Jérôme, où un seul est en service. «C'est près de trois autoroutes. Les complices garent leur voiture et s'approchent facilement des clôtures.»

Interrogé pour savoir si de nouvelles mesures étaient envisagées, le cabinet du ministre Stéphane Bergeron n'a pas donné suite à la demande.

-Avec la collaboration de Daniel Renaud