C'est au tour de Revenu Québec de sévir contre le stratagème de fausse facturation qui aurait permis à l'entrepreneur Tony Accurso d'éviter de payer plusieurs millions en impôt. L'agence vient de déposer 97 chefs d'accusation assortis de plus de 2 millions d'amendes contre des entrepreneurs qui auraient fourni de nombreuses fausses factures, en plus de ne pas déclarer eux-mêmes d'importants revenus.

«Pour nous, c'est une enquête majeure, qui a été réalisée par nos enquêteurs et qui vient déposer un grand nombre de chefs d'accusation concernant un important stratagème de fausse facturation», a expliqué Stéphane Dion, porte-parole de Revenu Québec.

L'enquête visait principalement Francesco Bruno et Rodolfo Palmerino, deux administrateurs de B.T. Céramique. Ils auraient notamment utilisé deux sociétés coquilles pour faire de fausses factures à quatre entreprises de Tony Accurso afin de permettre à l'entrepreneur d'éviter de payer de l'impôt.

C'est la première fois que Revenu Québec sévit contre ce stratagème. L'Agence du revenu du Canada a déjà porté plusieurs accusations dans ce dossier, par le passé. En février 2011, Francesco s'est d'ailleurs reconnu coupable d'évasion fiscale et a dû payer une amende de 1,3 million.

L'enquête de Revenu Québec aurait permis de démontrer que Francesco Bruno et Rodolfo Palmerino ont inscrit de fausses factures aux livres de B.T. Céramique pour réclamer indûment des crédits de taxe. Le duo aurait également utilisé une autre de ses entreprises, Entretien Torrelli, pour aider trois entreprises de Tony Accurso, Simard-Beaudry, Louisbourg et Marton, à faire de fausses déclarations de revenus. Enfin, une troisième société à numéro apparentée à Francesco Bruno, 3703436 Canada inc., aurait elle aussi été mise à contribution pour aider de nouveau deux entreprises d'Accurso à faire de fausses déclarations, soit Hyperscon et Simard-Beaudry.

En plus des fausses factures, Francesco Bruno et Rodolfo Palmerino sont aussi accusés d'avoir omis de déclarer d'importants revenus durant la période visée par l'enquête. Deux autres personnes sont aussi accusées par Revenu Québec d'avoir fait de fausses déclarations de revenus. Il s'agit de Gisella Palmerino et d'Alfredo Magalhaes. Le quatuor aurait omis de déclarer en tout 2,1 millions en revenus entre 2004 et 2008, ce qui a privé les coffres du Québec de près de 500 000$. Les accusés ont 30 jours pour indiquer s'ils plaident coupable ou non coupable aux 97 chefs d'accusation déposés par Revenu Québec.

Francesco Bruno n'en est pas à ses premiers démêlés avec la justice. L'homme a été arrêté en août dernier avec Tony Acccurso par la GRC dans le cadre d'une enquête sur des allégations de corruption à l'Agence du revenu du Canada (ARC). Le corps policier croit que le duo aurait privé le Canada de 3 millions en impôt. Il aurait élaboré un stratagème avec la collaboration d'employés de Revenu Canada, dont un ancien chef d'équipe lui aussi accusé, Adriano Furguiele.

Autre frappe

Par ailleurs, Revenu Québec s'attaque aussi à Roberto Amato, agent immobilier de Laval arrêté en 2009 par la Sûreté du Québec lors de l'opération Diligence et accusé de complot et de recyclage de produits de la criminalité.

Le fisc, qui réclame 1 million à Roberto Amato en impôt sur le revenu (922 154$), en TPS et en TVQ, vient de saisir, à la suite d'une décision rendue par la Cour supérieure, tous ses avoirs détenus à la Banque Nationale et à Desjardins, ainsi que divers biens mobiliers. De plus, une hypothèque légale a été inscrite à titre de garantie sur ses trois immeubles situés à Laval, dont son domicile, et à Repentigny. L'évaluation municipale de ces bâtiments atteint au total 1 million.

«Grâce à la collaboration avec le Service des enquêtes sur la criminalité financière organisée (SECFO) de la Sûreté du Québec, nous avons été en mesure d'établir que les revenus non déclarés de M. Amato étaient d'environ 2 millions de dollars entre 2006 et 2010», a précisé Stéphane Dion, porte-parole de Revenu Québec.

Selon le registre des entreprises, M. Amato est toujours le dirigeant d'au moins deux firmes de courtage et d'investissement immobiliers, situées dans sa maison cossue à Laval.

L'enquête Diligence visait à briser l'infiltration du crime organisé dans l'économie légale, en particulier dans l'industrie de la construction. L'organisation visée était dirigée par un membre des Hells Angels de Trois-Rivières Normand Ouimet, dit Casper, par ailleurs accusé de 22 meurtres prémédités.

Selon les policiers, le rôle de Roberto Amato était de blanchir les revenus de la criminalité dans le domaine immobilier.

Le procès Diligence devait débuter prochainement. Deux des accusés, Guy Dufour, ex-délégué syndical de la FTQ Construction, et l'ex-comptable agréé Jean Seminaro, ont déjà plaidé coupable.