Les leaders autochtones du Québec et plus particulièrement ceux de la région de Val-d'Or reviennent à la charge et réclament une enquête judiciaire provinciale sur les relations entre Autochtones et services policiers au Québec.

Le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, a vigoureusement dénoncé, lundi en conférence de presse à Montréal, le refus du premier ministre Philippe Couillard de tenir une telle commission.

Il lui a reproché de chercher à se cacher derrière la commission d'enquête fédérale sur les femmes autochtones disparues et assassinées.

«La réaction du gouvernement de M. Couillard, c'est de tout balayer dans le camp fédéral. Qu'est-ce qui se passe avec la sacro-sainte juridiction provinciale du Québec, surtout en matière de services policiers?», s'est-il interrogé.

Tous les représentants présents se sont dits d'avis que, de toute façon, le problème était beaucoup plus large que celui de Val-d'Or et certainement trop vaste pour que la commission fédérale puisse en traiter avec crédibilité.

S'appuyant sur le rapport de l'observatrice indépendante Fannie Lafontaine, qui a analysé le travail d'enquête du Service de police de la ville de Montréal sur les allégations d'agressions sexuelles par des policiers de la Sûreté du Québec, ils ont affirmé qu'une enquête permettrait de confirmer l'existence d'une discrimination et d'un racisme systémique, tel que soulevé par Me Lafontaine.

Le Grand Chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Coon Come, a souligné que les allégations d'agression sexuelle commise par un député envers une femme ont mené à une stratégie de cinq ans et 200 millions $ pour lutter contre le phénomène de la violence à caractère sexuel, alors la découverte de l'espionnage de journalistes par des policiers a entraîné dans les jours suivants la création d'une commission d'enquête publique.

«Le double standard ne pourrait être plus frappant», a laissé tomber M. Coon Come.

Selon les leaders autochtones, la réconciliation proposée par le ministre des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, n'est possible qui si le gouvernement accepte de reconnaître le problème de racisme systémique, ce qu'il a refusé jusqu'ici.

Quant à la table de concertation proposée par le ministre Kelley, elle ne peut solutionner la problématique mise en lumière par la saga de Val-d'Or, à leur avis.

«Nous avons dit non (à la table de concertation). Il faut d'abord faire la lumière sur les enjeux profonds, des enjeux collectifs et systémiques, a déclaré Ghislain Picard. Ce que nous venons de vivre au cours de la dernière semaine est justement le reflet d'une discrimination systémique.»

Un mouvement de mobilisation pour réclamer la commission judiciaire est prévu mardi à Montréal avec la participation, notamment, des organisations Femmes autochtones du Québec, Idle no more et Amnistie internationale. Les leaders et organisations autochtones se disent prêts à retourner devant les Nations unies pour dénoncer les autorités canadiennes et québécoises face à cette situation.

«Jamais nous ne cesserons de prendre les moyens nécessaires pour protéger nos femmes, nos enfants, nos populations. Notre résilience n'est plus à démontrer», a affirmé la chef Adrienne Jérôme, de Lac Simon.

Elle a précisé que sur le terrain, l'exonération juridique des policiers de la Sûreté du Québec soupçonnés a choqué les femmes autochtones et profondément miné leur confiance envers les policiers et le système judiciaire, au point où les victimes qui n'ont pas dénoncé des gestes dont elles ont été victimes vont définitivement se taire.

«Comment la Sûreté du Québec et les gouvernements et autres corps policiers vont-ils faire pour rétablir la confiance maintenant?» a demandé la chef Jérôme.

«On ne sait pas le nombre, mais il y en a beaucoup qui n'ont pas dénoncé, a-t-elle poursuivi. Déjà, la confiance n'était pas très, très forte et là, elle ne l'est plus du tout.

«Tout ce qu'on réclame aujourd'hui, c'est le droit d'être protégées, le droit d'être écoutées, le droit d'être sécurisées», a lancé Mme Simon.

Les femmes qui ont dénoncé, de leur côté, ont désormais peur de représailles de policiers, selon Mme Jérôme, une situation pour laquelle Me Lafontaine a fait part d'un besoin de protection dans son rapport.

Mme Jérôme a dénoncé le fait que les policiers de la SQ patrouillent le territoire avec, bien en vue, des bracelets de solidarité envers leurs confrères qui avaient été suspendus, un geste que Ghislain Picard qualifie d'«inacceptable et inapproprié».