Maintenant que le sort de dizaines de plaintes de femmes autochtones contre des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) repose entre les mains du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), la présidente de Femmes autochtones du Québec exige que les procureurs reçoivent une formation sur les réalités des membres des Premières Nations.

Le DPCP ne prévoit pas accéder à cette demande.

« Les gens du DPCP ne sont pas formés sur nos réalités et c'est eux qui vont décider s'il y aura des accusations ou non [dans les dossiers soumis par le Service de police de la Ville de Montréal] sur les femmes autochtones », a déploré hier Viviane Michel en marge d'une rencontre d'information à Val-d'Or réunissant des policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), des organismes communautaires, des membres des Premières Nations et des élus municipaux. « Ils doivent savoir qui on est. »

La formation dont parle Mme Michel traite notamment des impacts de la colonisation, de l'histoire autochtone et des contrecoups de la Loi sur les Indiens. « Idéalement, ça dure trois jours, mais on peut la faire en trois heures », dit-elle. Elle ajoute que les policiers du SPVM qui participent à l'enquête sur les femmes autochtones ont déjà été formés.

Au DPCP, on ne compte pas emboîter le pas. « Non, les procureurs n'ont pas suivi et ne suivront pas cette formation », a dit à La Presse le porte-parole de l'organisme, Jean-Pascal Boucher, qui se fait toutefois rassurant sur le professionnalisme des procureurs, quel que soit le dossier qu'ils traitent. « Nous tenons compte des intérêts légitimes des victimes et de leurs préoccupations tout en agissant envers elles avec équité », assure-t-il. Il précise que le travail de la Couronne est toujours le même, soit « d'analyser l'ensemble de la preuve afin de déterminer si des accusations seront déposées ou non, s'ils sont raisonnablement convaincus de faire la preuve à la cour ».

ATTENDUS DE PIED FERME

Hier, c'est l'assistant-directeur du Service des enquêtes spécialisées au SPVM en personne, Bernard Lamothe, accompagné de son équipe, qui s'est rendu à Val-d'Or pour faire le point sur l'enquête confiée à son équipe par Québec en octobre. Il était attendu de pied ferme. Les membres des Premières Nations de la région montraient des signes d'impatience depuis que les premières allégations de mauvais traitements contre des femmes autochtones par des policiers de la Sûreté du Québec ont fait surface, en octobre.

« Ils ne nous disent rien », déplorait une plaignante, Chantal Wabanonik, la veille de la réunion. Elle tenait à être présente pour entendre ce qu'avaient à dire les enquêteurs. Elle en a assez d'attendre.

« Nous sommes ici pour faire le point », a prévenu d'entrée de jeu Bernard Lamothe au petit groupe réuni dans une salle du conseil municipal de la MRC de Val-d'Or. 

Il n'a donné ni chiffres, ni noms, ni détails sur le déroulement de l'enquête, expliquant plutôt comment le SPVM a procédé jusqu'à maintenant dans son délicat travail. Il a reçu de nombreuses questions, notamment sur le fait que des informations avaient été publiées par les médias avant que les victimes les reçoivent.

Les policiers, qui ont reçu le mandat d'enquêter sur le comportement des agents de la SQ à Val-d'Or, mais aussi sur celui de n'importe quel policier à l'endroit d'autochtones partout au Québec, sont occupés. Ils se sont déplacés à 19 reprises dans des municipalités différentes dans le cadre de leur investigation.

Neuf enquêteurs et deux lieutenants-détectives font toujours partie de l'équipe d'enquêteurs « à 100 % ».

TOUS LES DOSSIERS SONT SOUMIS

Dans un souci de transparence et pour diminuer les inquiétudes liées au fait que, dans ce cas, c'est la police qui enquête sur la police, le SPVM soumet tous les dossiers qui traitent d'allégations de nature criminelle au DPCP sans recommandation ou opinion sur le bien-fondé de porter ou non des accusations, ont expliqué les représentants du corps de police. 

« Ce n'est pas comme ça dans tous les dossiers, parce qu'on inonderait le système », a précisé un des enquêteurs présents.

Selon nos informations, quelques dizaines de dossiers sont sur le bureau des procureurs. Au moins une trentaine de victimes potentielles ont été identifiées. L'enquête se poursuit.

Les autochtones qui souhaitent déposer une plainte de nature criminelle contre un policier de la SQ peuvent désormais appeler les Services parajudiciaires autochtones du Québec au 1 888 844-2094.

Une ligne téléphonique sans frais est aussi offerte au SPVM. Pour communiquer avec les enquêteurs : 1 844 615-3118