La promesse de Justin Trudeau de légaliser et d'encadrer la vente de la marijuana est accueillie avec prudence par les forces policières canadiennes, au lendemain du raz-de-marée libéral. Et de nombreuses zones grises devront être éclaircies sur les modalités entourant la production, la distribution et la vente de cette drogue douce, souligne un expert.

Même si elle s'oppose à la légalisation du cannabis, l'Association canadienne des chefs de police (ACCP) reconnaît l'importance de mettre sur pied un nouveau «cadre législatif» sur la possession de cannabis. «Nous voulons certainement travailler avec le gouvernement au sein du groupe de travail proposé, ce qui comprend le fédéral, les provinces et les territoires, pour évaluer un nouveau cadre législatif», explique Clive Weighill, président de l'ACCP et chef de police de Saskatoon, en entrevue avec La Presse.

L'ACCP milite depuis 2013 pour un assouplissement majeur des règles sur la possession simple de cannabis. Sans toucher au Code criminel, les chefs de police du Canada proposent de modifier la Loi sur les contraventions pour permettre de remettre une simple contravention aux citoyens possédant moins de 30 grammes de marijuana. «Ça ferait épargner beaucoup de temps aux policiers, aux tribunaux, aux juges et aux procureurs. Ça désengorgerait notre système de justice», soutient Clive Weighill.

En effet, un peu plus des deux tiers des infractions relatives aux drogues, en 2013, étaient liées au cannabis, soit plus de 73 000 sur 109 000 crimes. «Ces infractions coûtent cher à notre système de justice pénale, qui s'engorge d'un trop grand nombre de délits mineurs non violents», peut-on lire sur la plateforme libérale. La Gendarmerie royale du Canada et le Service de police de la Ville de Montréal ont décliné nos demandes d'entrevue.

Débat social

Qui pourra produire le cannabis? Qui va en gérer la distribution et la vente? Combien sera-t-il vendu? Bien des questions déterminantes devront être tranchées au terme de consultations et d'un débat social, soutient Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal et directeur de la revue Drogues, santé et société. «C'est fondé sur les données empiriques que la prohibition du cannabis est probablement la pire politique. [...] Par contre, plus on va vers une politique libérale - accessible partout, pas cher et avec des publicités -, plus il y a de risques de banalisation, ce qui pourrait favoriser un usage accru.»

La légalisation du cannabis est une source d'inquiétude pour le Partenariat pour un Canada sans drogue, même si le Parti libéral promet d'«empêcher la marijuana de tomber entre les mains des enfants». «Les libéraux disent qu'ils vont s'assurer de bien contrôler la distribution. Pourtant, la substance numéro un qui est consommée par les jeunes, c'est l'alcool, et ce n'est pas censé être offert aux jeunes en bas de 18 ans», soulève Marc Paris, directeur général de l'organisme.