Leur père avait déstabilisé le système de justice en 2012 lorsqu'il avait trahi son serment de policier et tenté de vendre à la mafia la liste secrète des informateurs de police. Mardi, les deux fils de la «taupe du SPVM», Ian Davidson, ont été arrêtés pour avoir produit plus d'un million de comprimés tranquillisants illégaux destinés au marché américain, a appris La Presse.

La police de Laval, qui a mené l'enquête sur cette affaire, doit faire le point sur les arrestations ce matin. Au moment de mettre sous presse, ses porte-parole n'étaient pas en mesure de discuter du dossier.

Christian Davidson, 25 ans, et Simon Davidson, 31 ans, ont comparu au palais de justice de Laval hier sous plusieurs chefs d'accusation de production et possession d'alprazolam en vue d'en faire le trafic. La poursuite s'est opposée à leur remise en liberté et ils doivent revenir devant la cour demain. 

Christian Davidson, qui a longtemps vécu dans la grande région de Montréal, était parti vivre à Québec depuis le suicide de son père. Simon habitait quant à lui Saint-Amable.

Comprimés contre l'anxiété

L'alprazolam, aussi connu sous le nom commercial de Xanax, est un médicament anxiolytique vendu sous ordonnance en pharmacie pour soulager l'anxiété. Le Centre québécois de lutte aux dépendances précise que ce médicament entraîne parfois une dépendance physique et psychologique et qu'il peut être à l'origine d'une «toxicomanie difficile à surmonter».

Selon nos sources, les enquêteurs spécialistes en stupéfiants de la police de Laval ont découvert que la gigantesque production clandestine de pilules - l'une des plus grosses jamais découvertes sur leur territoire - était destinée à l'exportation aux États-Unis. La police a dû réquisitionner un camion cube pour transporter la marchandise.

Une somme importante, au moins 100 000$ selon nos informations, a aussi été saisie lors de l'opération policière. D'autres complices auraient été identifiés.

Une famille de policiers

Les deux frères sont issus d'une famille de policiers. Leur père a fait une longue carrière au SPVM et leur mère était la fille d'un officier du même corps policier qui a aussi été directeur de la police de Trois-Rivières. Lorsque leurs parents se sont séparés, leur père s'est remis en couple avec une policière montréalaise.

L'aîné des frères a voulu un temps être lui-même agent de la paix. «Grâce à sa silhouette imposante, on le surnomme "le justicier". L'ordre et la loi sont son domaine», lisait-on dans son album de finissant du secondaire. Il avait ensuite suivi une formation d'agent de sécurité.

Sa vie a basculé en 2012 lorsque la trahison de son père a été mise à jour. En prenant sa retraite du SPVM, Ian Davidson avait volé une montagne d'informations confidentielles, notamment la base de données ultrasecrète contenant les détails des enquêtes en cours et les noms de milliers d'informateurs confidentiels proches des milieux criminels qui avaient accepté, sous couvert de l'anonymat, de fournir de l'information à la police. Des gens dont la vie ne tiendrait plus à grand-chose si leur identité était connue.

Des chances ruinées

Ian Davidson a tenté de vendre cette liste à la mafia, pour ensuite partir couler des jours paisibles au Costa Rica avec son magot. Mais il a été démasqué. Le matin du 18 janvier 2012, lorsqu'il a su que La Presse avait révélé toute son histoire ce jour-là, il s'est enlevé la vie dans un motel de Laval. Son fils aîné, qui avait rêvé de devenir policier, voyait son nom entaché à tout jamais au sein des forces de l'ordre québécoises. 

«C'est triste, j'imagine que ses chances sont ruinées maintenant», avait déploré un membre de sa famille à  l'époque.

La Presse avait ensuite révélé comment l'autre fils de la «taupe» Ian Davidson, Christian, avait participé aux démarches de son père pour vendre des secrets policiers au crime organisé.

Le jeune travailleur de la construction, qui avait fréquenté la fille d'un caïd proche des Hells Angels pendant un certain temps, avait contacté par courriel une organisation criminelle kurde de Montréal, très active dans le trafic d'héroïne, pour tenter de leur vendre à eux aussi des informations détenues par celui qu'il appelait son patron. Selon ce qui a filtré de l'enquête jusqu'à présent, cette transaction n'aurait pas abouti.

Le vol de ces informations sensibles avait créé une onde de choc au SPVM, qui avait dû rassurer ses informateurs et ses partenaires, changer ses mesures de sécurité et se lancer dans une traque tous azimuts pour vérifier s'il n'y avait pas eu d'autres fuites.