L'audacieux vol de 16 tonnes de lingots et de poudre d'argent perpétré la semaine dernière dans le port de Montréal aurait été amorcé par le chauffeur nouvellement embauché d'une entreprise de transport qui a trahi son employeur, a appris La Presse.

Selon nos informations, le chauffeur a été embauché le 19 août dernier par l'entreprise Pro Global Logistics, qui fait du transport de conteneurs dans le port de Montréal, et avait donc toutes les autorisations nécessaires pour entrer dans les installations portuaires et en sortir.

Il aurait notamment possédé une «carte biométrique» qui lui aurait permis, le matin du vol, le 2 septembre, de franchir, sans être inquiété et remarqué, un portail de sécurité à l'entrée du port et un autre au quai Racine, où se trouvait le conteneur. Il aurait même fourni une empreinte digitale et se serait fait prendre en photo.

Selon nos informations, ce fameux matin, son employeur lui aurait demandé d'aller chercher un autre conteneur, mais le conducteur se serait plutôt dirigé vers le port de Montréal pour s'emparer, sans permission, du conteneur de 26 palettes de lingots et de billes d'argent d'une valeur de 13 millions.

Le conducteur, qui n'avait pas été arrêté ni accusé au moment d'écrire ces lignes, figure en tant que possible comploteur dans l'une des accusations portées hier contre deux individus arrêtés mercredi soir.

La police de Montréal et la Sûreté du Port de Montréal n'ont pas confirmé les informations de La Presse. «Tout ce que je peux vous dire, c'est que pour nous, c'était une transaction normale. Ce fut une entrée et une sortie d'un camion assigné à un conteneur et faite selon les règles de sécurité», a simplement décrit Mme Sophie Roux, vice-présidente aux affaires publiques du Port de Montréal.

Outre le conducteur, les policiers recherchent toujours le tracteur volé dont une photo a été diffusée vendredi dernier. Il s'agit d'un camion Freightliner blanc 1997 dont la plaque d'immatriculation est L548 854.

Le tiers retrouvé

Lors d'une douzaine de perquisitions effectuées en soirée et dans la nuit de mercredi dans deux entrepôts de l'ouest de l'île de Montréal, des résidences et des voitures, les enquêteurs de la région est du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont retrouvé environ 150 lingots d'argent sur les quelque 500 volés, et plusieurs sacs de billes d'argent.

Ils ont également arrêté cinq individus, dont deux ont comparu hier au palais de justice de Montréal. Jaswinder Singh, 35 ans, et Norberto Cordeiro, 49 ans, ont été accusés de vol, de possession et de trafic de lingots et de billes d'argent d'une valeur de plus de 5000$. On leur reproche également d'avoir comploté avec quatre autres personnes, Munir Abd-El-Nour, Kenaan Abd-El-Nour, Jalal Nassar et le chauffeur, pour voler lesdits lingots et billes d'argent. Les trois premiers auraient été arrêtés et libérés sur promesse de comparaître.

Cordeiro n'a pas d'antécédents criminels alors que Singh a été condamné à une peine de 12 mois avec sursis en 2010 pour un crime à caractère sexuel. En revanche, Cordeiro est connu des policiers. Selon nos informations, il aurait notamment été vu dans une enquête récente portant sur un groupe indépendant de distributeurs de cocaïne au kilo. Il n'a toutefois pas été arrêté ni accusé. Dans l'affaire des lingots d'argent, il pourrait avoir agi comme acheteur, selon des sources. La poursuite s'est opposée à leur mise en liberté et leur enquête sur cautionnement a été fixée à aujourd'hui.

Course contre la montre

Les enquêteurs du SPVM ont travaillé d'arrache-pied dès le signalement du vol pour retrouver la précieuse cargaison. Rapidement, ils auraient trouvé un premier entrepôt dans l'arrondissement d'Anjou où une partie de la cargaison avait été livrée.

Grâce à certaines méthodes d'enquête et des informations de sources, ils auraient ensuite identifié et suivi des suspects qui les auraient menés aux endroits perquisitionnés mercredi soir.

Selon nos informations, les 16 palettes de lingots et les 10 palettes de billes d'argent sont parties par bateau de Suède avant de faire escale au port de Montréal. Une partie devait être livrée à une banque canadienne alors que l'autre devait être embarquée sur un bateau à destination d'un pays d'Amérique du Sud.

Le port de Montréal a la réputation d'être infiltré par certaines organisations criminelles, dont le clan irlandais des Matticks, mais rien n'indique, pour le moment du moins, que le crime organisé soit impliqué dans ce vol spectaculaire.

L'enquête se poursuit pour tenter de retrouver le reste de la cargaison.