La méfiance est de règle entre les policiers de la Sûreté du Québec et les responsables des centres de détention, et l'information circule au compte-gouttes à cause d'une «culture du secret» dans les deux organisations. Les deux groupes se parlent par courriel, des échanges souvent laborieux.

Dans son rapport rendu public hier Me Michel Bouchard cible les circonstances qui ont permis l'évasion de trois détenus dangereux, par hélicoptère, au centre de détention d'Orsainville en juin dernier. L'ancien sous-ministre va au-delà de cette seule bourde; il préconise que l'on fouille quotidiennement tous les employés des centres de détention, qu'on lutte davantage contre l'intimidation à l'endroit des gardiens et qu'on augmente la surveillance des prévenus qui sont liés au crime organisé.

En point de presse hier, la ministre Lise Thériault - qui avait fait écho à des informations incomplètes, voire erronées, constate le rapport - a promis que chacune des six recommandations du rapport allait être appliquée. «On n'a pas attendu d'avoir ces recommandations pour agir», a-t-elle souligné, des dispositifs sont déjà installés dans certains centres pour prévenir l'atterrissage d'hélicoptères, une demande que ne fait pas Me Bouchard.

«On a revu les processus pour qu'on puisse se donner la bonne information, je ne suis pas dans la chasse aux sorcières» a soutenu Mme Thériault, qui avait déjà dit que ces collaborateurs lui avaient menti. Elle a affirmé erronément que des travaux étaient réalisés à Saint-Jérôme pour prévenir de nouvelles évasions héliportées et que le gouvernement avait demandé à Ottawa qu'on interdise l'espace aérien au-dessus de l'aéroport.

«Les autorités politiques et administratives de ce ministère vont probablement retenir de ces journées difficiles que l'absence d'information est souvent préférable à l'obtention d'informations inexactes ou incomplètes» laisse tomber Me Bouchard. «Qui a menti à la ministre? on ne le sait toujours pas. Ce sont des accusations graves, ces personnes sont-elles toujours [au] Ministère?», a demandé Pascal Bérubé, critique du PQ en sécurité publique.

Large interprétation

De ce rapport, on retient que la directrice du centre de Québec, Brigitte Girard, aura interprété très largement les directives du juge Louis Dionne, qui craignait que des mesures de contention trop lourdes ne permettent aux détenus de réclamer l'annulation du procès. En entrevue, Mme Girard avait souligné s'être «sentie coincée» par la directive du juge Dionne, et que, «furieuse», elle avait ordonné que la consigne de sécurité pour ces prévenus soit ramenée au même niveau que pour tous les autres. Le policier de la SQ qui suivait le dossier y était opposé, mais s'était rallié après que ses patrons eurent approuvé la baisse de la cote de sécurité. 

Nouveau barème

Dans son rapport, Me Bouchard recommande que dans l'évaluation de la sécurité requise pour les personnes incarcérées, on prévoie un classement différent pour ceux qui sont liés à une organisation criminelle.

Les détenus ne pouvaient connaître à l'avance le moment de leur sortie dans la cour. Or, il ne s'est écoulé que 13 minutes entre leur apparition et l'arrivée de l'hélicoptère. On présume qu'ils disposaient d'un cellulaire entré illégalement dans les murs. Me Bouchard propose que l'on pratique des fouilles sur tous les employés des centres de détention quand ils se présentent à leur quart de travail. 

À de nombreuses reprises, Me Bouchard relève le manque de communication entre la police, les établissements et le Ministère. Le Centre de détention d'Amos, où se trouvaient les trois détenus au départ, avait eu vent de leur complot d'évasion. Or rien n'avait été communiqué au centre de Québec. Un policier a pris l'initiative de transmettre l'information à Orsainville, où on a estimé que voyant leur stratagème dévoilé, les trois détenus renonceraient à leur projet d'évasion.