Les liens entre SNC-Lavalin et l'ancienne dictature libyenne étaient si étroits que la firme d'ingénierie québécoise a offert un poste de vice-président au fils de Mouammar Kadhafi en 2008, selon une récente déclaration sous serment de l'Équipe de lutte contre la corruption internationale de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Selon la CBC, SNC-Lavalin a même demandé au gouvernement canadien d'accorder un permis de travail temporaire à Saadi Kadhafi pour qu'il puisse venir travailler au Canada, où il aurait aidé à développer les affaires de l'entreprise au Maghreb.



Les enquêteurs de la GRC ont saisi une lettre contenant les détails de cette offre lors d'une perquisition au quartier général de SNC-Lavalin à Montréal, en avril 2012. La firme avait promis à Saadi Kadhafi un salaire annuel de 150 000$.



Les liens étroits entre Saadi Kadhafi et Riadh Ben Aissa, ex-patron de la division construction étaient un atout majeur pour SNC-Lavalin.



La firme en était parfaitement consciente et a favorisé ces relations, selon une déclaration sous serment signée par le caporal Alexandre Beaulieu, et dont les grandes lignes ont été dévoilées par des médias anglophones.



Depuis deux ans, SNC-Lavalin tente de limiter les dégâts en répétant que les fraudes et les pots-de-vin étaient le fait de quelques pommes pourries au sein de l'entreprise. Mais l'enquête de la GRC indique le contraire. Et prend de l'ampleur. Elle ne concerne plus seulement M. Ben Aissa, emprisonné en Suisse, où il est accusé de corruption et de blanchiment d'argent.



Un deuxième dirigeant fait l'objet d'une enquête



Il y a deux semaines, la GRC a fait geler les comptes bancaires et les biens immobiliers du Montréalais Sami Bebawi, le prédécesseur de M. Ben Aissa à la tête de la division construction jusqu'en 2006.



Ensemble, les deux hommes auraient siphonné 120 millions de dollars des coffres de SNC-Lavalin, de 2001 à 2011. Pour ce faire, ils auraient mis sur pied un système complexe de paiements frauduleux à des sociétés-écrans. L'argent aurait ensuite transité en Suisse, puis dans leurs comptes personnels.



Des dizaines de millions auraient aussi été versés en pots-de-vin pour décrocher des contrats, notamment en Libye et en Tunisie.



Leslie Quinton, porte-parole de SNC-Lavalin, estime qu'il est « injuste de blâmer toute une division pour des actes inacceptables et répréhensibles » commis par « certains supérieurs » qui ne travaillent plus pour l'entreprise. La direction a changé et des « mesures extrêmes » ont été prises pour créer un « environnement exceptionnel de bonne gouvernance », ajoute-t-elle.



Des fonds investis dans l'immobilier




Dans sa déclaration sous serment, la GRC soutient que M. Bebawi aurait détourné près de 24 millions de la firme. Il aurait utilisé 13 millions pour financer le projet Lofts Irène, développé par son fils à deux pas du marché Atwater, dans le quartier Saint-Henri à Montréal. Après la vente des condos, 13,7 millions auraient été remboursés dans un fonds familial des Bebawi.



Ces allégations n'ont pas été prouvées en cour. Pour le moment, M. Bebawi n'est d'ailleurs accusé de rien. Selon nos informations, il habiterait désormais à Dubaï. À Montréal, sa famille a refusé de répondre à nos questions.



Les quatre comptes de M. Bebawi à la branche montréalaise de la CIBC ont été gelés, ainsi qu'un compte au Caire et diverses propriétés appartenant aux enfants de M. Bebawi.