La dictature libyenne ne serait pas le seul régime d'Afrique du Nord à avoir reçu des pots-de-vin de SNC-Lavalin : la GRC croit que le géant québécois a versé illégalement plusieurs millions de dollars au gendre de l'ancien président tunisien, en échange de lucratifs contrats d'infrastructures.

Ces nouvelles révélations sont tirées d'une déclaration assermentée rédigée par une enquêteuse anticorruption de la GRC pour obtenir un mandat de perquisition visant les bureaux de SNC-Lavalin.

De longs passages du document se rapportant aux pots-de-vin versés au régime libyen avaient déjà été rendus publics. Ce matin, un juge a permis à La Presse et à d'autres médias d'obtenir les passages sur la Tunisie, qui étaient demeurés censurés jusqu'ici.

Directement, ou à travers les compagnies personnelles de son ancien dirigeant Riadh Ben Aissa, SNC-Lavalin aurait versé « de larges sommes d'argent » à Slim Chiboub, 54 ans, un homme d'affaires tunisien qui est marié avec une des filles de l'ex-président Zine el-Abidine Ben Ali.

La police a retrouvé des traces de transfert d'argent, explique le document, qui s'appuie largement sur les découvertes des policiers suisses, qui mènent leur propre enquête sur le sujet.

« J'ai des motifs raisonnables de croire que des sommes ont été versées à Chiboub dans le but de faire profiter un agent public étranger en contravention (...) de la loi sur la corruption d'agents publics du Canada », écrit l'enquêteur de la GRC.

Après 23 ans au pouvoir, le régime de Ben Ali a été renversé en 2011 dans le cadre du « printemps arabe ».

Le document de la GRC souligne qu'en 2009, SNC-Lavalin avait tenté de remporter un contrat pour la construction du port en eau profonde d'Enfidha, en Tunisie, évalué à 1,4 milliard d'Euros.

L'année suivante, la firme québécoise avait mis la main sur le contrat de construction de 340 millions de dollars d'une centrale thermique tunisienne à Sousse.

Il y a un an, à la suite d'une enquête sur le terrain en Tunisie, La Presse révélait qu'une commission d'enquête sur la corruption de l'ancien régime avait ouvert un dossier sur ce projet, en ciblant directement SNC-Lavalin.

D'autres passages du document assermenté rendus publics ce matin démontrent à quel point les stratagèmes de corruption se seraient poursuivis pendant longtemps.

« Au cours des 10 dernières années, des dirigeants de SNC-Lavalin auraient commis des actes de corruption d'agents publics étrangers dans le cadre de contrats majeurs octroyés en Tunisie et en Libye », écrit la policière, en se basant à la fois sur la preuve obtenue au Canada et sur celle amassée en Suisse.

Rappelons que pour ce qui est de la Libye, la GRC croit que SNC-Lavalin et son ancien vice-président ont versé des millions de dollars en pots-de-vin à Saadi Kadhafi, fils du dictateur Mouammar Kadhafi.

«Il est allégué que ces sommes d'argent lui ont été versées à titre de récompense pour avoir influencé l'octroi de contrats majeurs à SNC-Lavalin International», précise le corps policier.