Un Convair 580 bourré de bidons d'essence pour faire le plein en vol, un changement de trajet qui force Raymond Boulanger à affronter une tempête, deux CF-18 lancés à sa poursuite, des trafiquants à bout de patience qui l'abandonnent: le vol raté de Casey, le 18 novembre 1992, restera longtemps comme l'un des événements les plus frappants de l'histoire criminelle du Canada.

1.. 21h30: Le Convair 580 décolle d'une piste clandestine de Cabo La Vela, dans le nord de la Colombie. Boulanger est accompagné de trois complices colombiens. L'appareil cargo, qui est bourré de 4000 kg de cocaïne et de réservoirs d'essence pour que le plein soit fait en vol, est trop lourd de 20 000 livres et Boulanger doit manoeuvrer pour franchir une péninsule montagneuse qui s'avance dans l'Atlantique.

2. Peu après le décollage, le Convair est repéré sur les radars des autorités. Deux avions, un Orion PC3 et un Falcon 20 des douanes et de la garde côtière des États-Unis, décollent à leur tour du Panama et de Porto Rico. «Tieni cola!» (Tu as une queue), préviennent les trafiquants sur les appareils de communication satellite de Boulanger.

3. Pour semer ses poursuivants, il choisit d'emprunter une route plus à l'est et se rend jusqu'à 58º de longitude ouest (23h).

4. 2 h: Un peu avant d'arriver à la hauteur des Bermudes, il affronte une tempête. «L'appareil a été malmené par des vents de face d'environ 150 noeuds. Ça a duré environ une heure quinze et ça nous a ralentis», raconte-t-il.

5. Pendant qu'il affronte la tempête, deux CF-18 des Forces armées canadiennes décollent de la base de Goose Bay, au Labrador, pour l'intercepter. Il entend les pilotes se parler sur ses appareils de communication.

6. 4h30: À la hauteur des Bermudes, Boulanger revient vers l'ouest et s'aligne sur la ville côtière de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

7. 5h: Les avions de chasse, qui ont volé à une vitesse de 1,8 mach, l'interceptent un peu plus loin et le suivent à bonne distance. Mais rapidement, l'un d'eux abandonne pour faire le plein. Pour semer son deuxième poursuivant, Boulanger amorce une descente à 400 noeuds. Le CF-18 se rapproche alors du Convair. «Il est venu au bout de mon aile. J'ai vu le pilote me faire signe de descendre avec le pouce. Je lui ai répondu en lui faisant bye-bye», raconte le pilote. À 8000 pieds, faisant face à une masse d'air plus dense, le deuxième CF-18 abandonne à son tour avant de manquer de carburant.

8. Libéré de ses poursuivants, Boulanger atteint Yarmouth, pique directement vers l'ouest, remonte vers le nord, frôle Edmundston, bifurque de nouveau vers l'ouest et vole en ligne droite vers l'ancienne piste militaire de Casey, près de La Tuque, en Haute-Mauricie.

9. 8h45: L'atterrissage est parfait, mais il y a un hic: les trafiquants envoyés par la mafia italienne qui devaient prendre en charge la cargaison et refaire le plein du Convair ne sont pas au rendez-vous. Ils se sont impatientés et ont quitté les lieux vers 7h30, environ une heure avant l'arrivée de Boulanger. «Je regardais l'appareil avec les 4000 kg de coke et je n'en revenais pas», dit le pilote.

10. À compter de 9h30: Boulanger et les trois Colombiens se rendent à deux reprises au village de Casey, en faisant de l'auto-stop, pour tenter de joindre, sans succès, les responsables de l'opération et appeler un avion taxi.

11. 14h15: Les deux CF-18, qui avaient repris la poursuite, survolent la piste. Les suspects se savent alors repérés. Paniqués, les trois Colombiens fuient à bord d'une camionnette alors que Boulanger hèle un camionneur de la Stone Consolidated qui le prend en auto-stop, lui apprend que la GRC a bouclé le secteur et le conduit dans les locaux de l'entreprise à Casey.

12. 15h15: Boulanger sirote tranquillement un café lorsque les policiers l'arrêtent. Les trois Colombiens se sont enlisés à environ un kilomètre de la piste et sont arrêtés un peu plus tard, dans la forêt enneigée. Vêtus pour le climat estival, ils sont au bord de l'hypothermie. Après sa comparution, alors qu'il était mitraillé par les flashs des photographes des nombreux médias dépêchés sur place, Boulanger, alias Cow-boy, fait son fameux clin d'oeil nerveux qui le rendra célèbre.

RECHERCHE DANIEL RENAUD, SOURCE: GEOATLAS